Il ne faut pas paniquer
Le confinement était une mesure brutale et vitale, exigée par les circonstances, pour éviter que le système de santé n’implose sous la pression de la COVID-19.
Mais il ne saurait être durable sans se retourner contre la population, en la condamnant à une asphyxie généralisée et à un effondrement économique qui condamnerait des pans entiers de notre société à la misère.
Un jour, il faudra bien ressortir de nos maisons et pendant un temps, du moins, apprendre à vivre avec le virus, qui continuera de polluer notre existence. Ressortir, oui. Mais pas d’un coup. Notre société, en multipliant les petits gestes, réapprend à bouger, en se demandant si ce n’est pas trop risqué. Le mouvement est commencé, d’ailleurs.
FRAGILITÉ
L’État devait toutefois décider d’un grand geste, avec une forte portée symbolique, pour marquer le retour à la vie sociale. Un geste consacrant la rupture avec le confinement radical et qui annonce un déblocage de l’activité collective. Un geste qui enverra un signal fort à la population.
Au Québec comme dans plusieurs autres sociétés occidentales, ce geste, ce sera la réouverture des écoles.
L’opération ne se mène pas partout de la même manière et exige un grand doigté. Et comme on l’a vu depuis lundi, elle suscite beaucoup de scepticisme, et une certaine protestation, à la fois chez les enseignants et les parents. Même chez les experts, il n’y a pas consensus.
Cette inquiétude est naturelle. Le discours gouvernemental, pour le dire poliment, manquait quelque peu de clarté. Comment s’effectuera le retour en classe ? Il y a encore beaucoup d’imprécisions et tout demeure terriblement hypothétique.
Mais le vrai problème est ailleurs. Plusieurs ont l’impression, sans le dire ainsi, qu’on transforme les enfants en cobayes dans une expérimentation sociale inédite. Ils sont envoyés sur la ligne de front, en prétextant qu’ils sont résistants au virus.
Qu’on se comprenne bien : la décision n’est pas insensée, et on comprend que les autorités ne la prennent pas à la légère. Elle heurte néanmoins nos sentiments les plus profonds.
Plus encore que le frêle vieillard en CHSLD dont la fin, assurément tragique, est néanmoins inévitable à court ou moyen terme, l’enfant représente l’image de la vulnérabilité absolue. Il incarne l’avenir.
Mais pour lui permettre de vivre, de croître, de s’épanouir, il doit être protégé. Telle est la mission sacrée de son père et de sa mère, qui ne sauraient la renier sans s’avilir.
Lorsque la peur domine, elle nous paralyse
NE PAS PANIQUER
Dans nos sociétés, les institutions collectives jouent aussi un grand rôle dans sa socialisation. Celui qui envoie son enfant à l’école s’attend à ce qu’il soit absolument en sécurité.
Dans les prochaines semaines, psychologiquement, personne n’aura cette assurance et chaque histoire susceptible d’alimenter l’inquiétude collective prendra une proportion effarante. Il faudra raison garder et ne pas paniquer.
Cette reconquête de la confiance au quotidien sera une expérience difficile. La peur est quelquefois bonne conseillère. Elle pousse à une saine prudence. Les enseignants devront être bien protégés.
Mais lorsque la peur nous domine, elle nous paralyse et nous fait dépérir.