Le triomphe de l’authenticité Il y a 40 ans, la victoire de Jacqueline Gareau au marathon de Boston était confirmée
Le 21 avril 1980, Jacqueline Gareau filait tout droit vers la victoire au prestigieux marathon de Boston. Jusqu’à ce que Rosie Ruiz surgisse de nulle part pour lui voler son moment de gloire, dans la controverse. Huit jours plus tard, il y a exactement 40 ans, l’organisation concluait son enquête. La Québécoise était sacrée championne de l’événement, tandis que sa rivale entamait sa descente aux enfers.
Gareau avait puisé dans ses derniers retranchements pour franchir la distance de 42,2kmen2h34min28s
Pendant ce temps, usant de mystérieux subterfuges qui n’ont jamais été totalement élucidés au grand jour, Ruiz n’a pas complété l’intégralité du parcours, puis s’est faufilée en tête à la toute fin.
Officieusement, la Latino-Américaine décrochait l’or avec un chrono de 2 h 31 min 56 s. Toutefois, les images d’elles sur le parcours étaient inexistantes.
Son seul autre marathon au préalable, celui de New York, avait été réalisé en 25 minutes de plus.
En entrevue avec les médias, la « championne » a vite semé le doute, elle qui n’arrivait pas à décrire les portions principales du mythique parcours.
Même si une forte odeur d’impostureinfestait l’air ambiant, Ruiz a récolté sa médaille, qu’elle a d’ailleurs toujours refusé de rendre, même quand son manège déloyal lui a valu une disqualification.
Le 29 avril, Jacqueline Gareau était invitée de nouveau à Boston pour officialiser sa victoire.
« C’est un événement qui est resté collé à moi toute ma vie. Il y a des gens qui croient que je ne l’ai pas eu facile, mais qui est la mieux placée entre moi et mon amie Rosie ? Elle, avec ses mensonges, ou moi, avec mes efforts ? » confie au la gagnante incontestée, 40 ans plus tard.
DEUX VIES À L’OPPOSÉ
Son amie Rosie, comme elle l’appelle avec un brin de sarcasme, ne s’est pas remise de ce faux triomphe et a quitté le monde de la course à pied, du moins les compétitions médiatisées.
Deux ans plus tard, elle était arrêtée après avoir détourné 60 000 $ de l’entreprise en immobilier où elle travaillait comme adjointe administrative.
En 1983, son implication dans une transaction de cocaïne lui a valu une seconde arrestation.
Jusqu’à son décès, en juillet dernier, elle a toujours clamé envers et contre tous qu’elle avait bien complété et gagné le marathon de Boston, en 1980.
Pour l’unique Canadienne à avoir remporté l’événement, inutile d’entretenir de la rancoeur à l’endroit de celle qui l’a privée d’une partie d’un grand moment de sa vie, mais pas de la reconnaissance qui a suivi.
« J’ai toujours reçu beaucoup d’empathie. Quand je courais, ce n’était pas pour battre personne, mais pour battre mes objectifs. À Boston en 1980, je visais 2 h 35. Le beau feeling de battre mon objectif, je l’ai vécu, mais pas sur la première marche du podium. Ça ne fait rien, je ne ressens aucune amertume.
« Ruiz, il y a longtemps que je l’ai mise de côté. Elle a fait sa vie à sa façon, c’est oublié. Sur le coup, ça n’a pas été un événement plaisant, mais ma victoire, je l’ai pour la vie », affirme-t-elle.
RÉCEPTION GRANDIOSE
Pour se reprendre, l’organisation du marathon de Boston avait donc réinvité Gareau, et pas n’importe comment !
Une limousine l’a transportée vers un hôtel de luxe, un tour de la ville en Rolls-Royce a été organisé, puis on lui a remis sa médaille d’or et la couronne de la gagnante, le tout au son de l’hymne national canadien.
Même que 25 ans plus tard, une autre cérémonie a été organisée en son honneur, avec réception à la ligne d’arrivée devant la foule en liesse de Boston.
Jacqueline Gareau aura donc reçu tout le nécessaire pour immortaliser son triomphe. Tout, sauf bien sûr les confessions de Rosie Ruiz.
« J’aurais voulu qu’il y ait une communication entre elle et moi. Si elle m’avait demandé pardon, au moins, je l’aurais trouvée brave. »