Le Journal de Montreal

Émus devant l’ange gardien de leur père

Une famille voulait remercier la fidèle préposée qui a été aux côtés de leur papa jusqu’à sa mort de la COVID-19

- HUGO DUCHAINE

« Elle était nos yeux, nos mains, notre coeur. » Avec ces quelques mots, Francine Angers exprime toute la gratitude qu’elle ressent envers la préposée aux bénéficiai­res, qui a pris soin de son père dans ses derniers moments.

C’est pourquoi sa famille et elle ont tenu à remercier Isabelle Mailloux dans l’avis de décès de leur père Dominique Angers, emporté par la COVID-19 le 22 avril dernier au Centre Le Cardinal à Montréal.

Hier, Le Journal les a réunis… à au moins deux mètres de distance.

Ensemble, Francine Angers, son frère Sylvain, et la préposée Isabelle Mailloux ont partagé de doux souvenirs de l’aîné.

Les Angers, qui ont aussi une soeur à l’extérieur de la province, savaient que leur père était entre de bonnes mains.

Mais leur inquiétude restait vive, voyant les décès si nombreux dans les CHSLD de la province. « On croisait nos doigts, on espérait », laisse tomber Francine Angers.

FOUDROYANT

Mais son père, qui souffrait d’arthrite sévère, a été foudroyé par le coronaviru­s. Moins de six heures se sont écoulées entre le moment où ses proches ont su qu’il avait besoin d’oxygène pour respirer et l’annonce de son décès.

Pourtant, juste une semaine avant, il avait été déclaré négatif à la COVID-19.

Le matin de sa mort, M. Angers blaguait avec Isabelle Mailloux pendant qu’elle l’aidait à manger. En après-midi, il avait du mal à respirer. Le lendemain, sa chambre était vide.

« Ça fait mal », souffle-t-elle, forcée d’encaisser des deuils à répétition, alors que la pandémie s’étire.

Elle entre encore dans la chambre de M. Angers, un peu par habitude, mais surtout parce qu’il lui manque.

« Ses plantes sont encore sur le bord de la fenêtre. C’est tout ce qu’il reste… », dit-elle, la voix étouffée par des sanglots.

Pour Francine Angers, le métier de préposé aux bénéficiai­res est une vocation. Et Isabelle Mailloux l’avait, assure-t-elle.

« Elle a un grand coeur », poursuit-elle, en regardant celle qui se rendait au chevet de son père presque tous les matins depuis cinq ans.

« Chaque fois que j’allais voir mon père, il était toujours bien mis. Il sentait bon, ses cheveux étaient arrangés, ses vêtements bien agencés », énumère Mme Angers.

ATTENTIONS RASSURANTE­S

De petites attentions qui l’ont toujours rassurée.

Elle n’avait pas rendu visite à son père depuis six semaines quand il est mort. Mais elle restait en contact au téléphone, notamment grâce à Mme Mailloux.

La mère de Mme Angers vit aussi au même CHSLD que son défunt mari et ses proches continuent de la saluer sous sa fenêtre.

« Combien de familles je vois sur le bord de la fenêtre… », confie Isabelle Mailloux, incapable de terminer sa phrase, les yeux pleins d’eau. En arrivant au travail la semaine dernière, la préposée est restée dans son auto, se demandant comment elle trouverait la force de traverser une autre journée.

Mais elle a retroussé ses manches, pour ses résidents, explique-t-elle.

« On voit beaucoup d’histoires d’horreur actuelleme­nt, il y en a, mais il y a aussi de belles histoires et il ne faut pas les négliger », lance, à son tour, Sylvain Angers, qui tenait à remercier Isabelle Mailloux, mais aussi tous ses collègues et tous les autres « anges gardiens » de la province.

Suivant ses dernières volontés, la dépouille de Dominique Angers a été incinérée. Ses cendres seront enterrées en Mauricie, dans son village natal de Saint-Adelphe.

Comme des milliers d’autres familles québécoise­s, les Angers devront vivre un second deuil lorsqu’ils pourront éventuelle­ment célébrer les funéraille­s de leur père.

 ?? PHOTOS PIERRE-PAUL POULIN ET COURTOISIE ?? Francine (en rouge) et Sylvain Angers ont rencontré la préposée aux bénéficiai­res Isabelle Mailloux, hier, à Montréal. Ils voulaient la remercier des soins donnés à leur père Dominique Angers (en mortaise) décédé de la COVID-19 le 22 avril dernier.
PHOTOS PIERRE-PAUL POULIN ET COURTOISIE Francine (en rouge) et Sylvain Angers ont rencontré la préposée aux bénéficiai­res Isabelle Mailloux, hier, à Montréal. Ils voulaient la remercier des soins donnés à leur père Dominique Angers (en mortaise) décédé de la COVID-19 le 22 avril dernier.
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