Le Journal de Montreal

Une infirmière doit mentir pour subir un test de dépistage

L’ex-employée au CHSLD Herron a pourtant été déclarée positive au coronaviru­s

- AMÉLIE ST-YVES

Une infirmière du CHSLD Herron de Dorval a dû mentir pour subir un test de la COVID-19 avant de changer de milieu de travail, pour finalement apprendre qu’elle était... infectée.

Kristy-Lyn Kemp a failli vomir tant elle s’est sentie mal quand elle a appris qu’elle avait la COVID-19, mardi dernier.

Elle avait inventé des symptômes pour subir un test avant de passer de la résidence Herron à une autre, située dans l’arrondisse­ment de Lachine, à Montréal.

« Je me suis dit que j’aurais pu la donner à tous les résidents de la nouvelle place. J’ai beaucoup pleuré quand j’ai appris que j’avais la COVID », raconte-t-elle.

La femme de 36 ans travaillai­t au CHSLD Herron depuis juin 2018, d’abord comme préposée, puis comme infirmière auxiliaire. Trois personnes y sont décédées le 6 avril, ce qui a fait déborder le vase.

« C’était trop. Mentalemen­t, physiqueme­nt, émotionnel­lement, j’étais finie », raconte-t-elle.

Mme Kemp a continué d’aller aider, mais pas à titre d’infirmière, seulement comme accompagna­trice pour les patients, jusqu’à ce que le Centre intégré universita­ire de santé et de services sociaux de l’Ouest-del’Île-de-Montréal mette fin à cette pratique.

« Je n’ai jamais toussé, je n’ai jamais eu de fièvre. J’ai vérifié chaque jour, deux fois par jour », affirme-t-elle.

Le centre d’hébergemen­t Herron a été mis sous tutelle le 29 mars, et plus d’une trentaine de résidents y sont décédés, dont plusieurs du coronaviru­s.

Trois enquêtes sont en cours : une criminelle de la police de Montréal, une du coroner et une autre du ministère de la Santé.

REFUS AU TÉLÉPHONE

Résignée, Mme Kemp a changé d’emploi. Elle a téléphoné à la ligne publique le 3 mai pour passer un test de dépistage et elle a mentionné qu’elle travaillai­t au CHSLD Herron. On lui aurait alors répondu qu’elle n’avait pas à subir un test puisqu’elle n’avait pas de symptômes.

Mme Kemp a rappelé, cette fois en français, pour ne pas qu’on le reconnaiss­e, et a inventé des symptômes : toux et fièvre. Elle a eu un rendez-vous pour le lendemain. À peine 24 heures plus tard, l’auxiliaire a appris qu’elle était déclarée positive.

ASYMPTOMAT­IQUES

Le ministère de la Santé confirme que les personnes symptomati­ques sont priorisées, car les asymptomat­iques ne représente­nt qu’une faible proportion des cas.

Par ailleurs, une personne infectée qui n’a pas encore développé de symptômes pourrait être déclarée négative, si le virus ne s’est pas suffisamme­nt multiplié pour être détectable dans les voies nasales.

L’épidémiolo­giste à l’Institut national de santé publique Gaston De Serres ne porte pas de jugement sur le présent dossier, même s’il confirme que cette femme présentait des risques relativeme­nt élevés d’être contaminée.

Il rappelle cependant qu’en temps de pandémie, l’utilisatio­n des tests doit être faite de façon la plus efficace possible.

« Dans la réalité, si on a, par exemple, 15 000 tests par jour, le but c’est de trouver le plus d’individus infectés avec ces 15 000 tests-là », explique-t-il.

 ?? PHOTO AGENCE QMI, DOMINICK GRAVEL ?? L’infirmière auxiliaire Kristy-Lyn Kemp devra attendre chez elle à Dorval d’être débarrassé­e de la COVID-19, et d’avoir deux tests négatifs, avant de reprendre le travail dans un nouveau centre d’hébergemen­t et de soins de longue durée de Montréal.
PHOTO AGENCE QMI, DOMINICK GRAVEL L’infirmière auxiliaire Kristy-Lyn Kemp devra attendre chez elle à Dorval d’être débarrassé­e de la COVID-19, et d’avoir deux tests négatifs, avant de reprendre le travail dans un nouveau centre d’hébergemen­t et de soins de longue durée de Montréal.

Newspapers in French

Newspapers from Canada