DÉMOCRATIE OU AUTORITARISME
Si les Américains réélisent Trump, le fondement même de leur société risque de ne jamais s’en remettre
L’élection de 2020 présente un choix clair aux électeurs américains : redonner une chance à leurs valeurs démocratiques et républicaines ou cautionner l’autoritarisme de l’administration Trump, tel qu’on le voit à l’oeuvre dans la crise du coronavirus.
C’est un cliché de qualifier une élection d’historique, mais cette année, aux États-Unis, c’est vrai.
La démocratie américaine est malade. Si les Américains réélisent Donald Trump, elle risque fort de ne pas s’en remettre.
Quand j’écris sur l’autoritarisme de Trump, les critiques me rétorquent qu’il a été élu et qu’il peut donc gouverner comme il l’entend. Le problème, c’est que la démocratie, ce n’est pas ça.
La responsabilité de respecter les normes démocratiques et l’esprit des institutions ne s’éteint pas après le vote.
L’autoritarisme de l’administration Trump n’est pas un sujet nouveau, mais la réponse politique à la pandémie en fournit de fraîches illustrations.
EXPERTISE ET LOYAUTÉ
Un réflexe courant des autocrates est d’ignorer les avis d’experts en subordonnant ceux-ci à leurs intérêts. Au début de la pandémie, Trump a ignoré ses services de renseignement qui l’enjoignaient de se préparer au pire.
Le démantèlement de l’organisation mise en place par Obama pour coordonner la réponse aux pandémies est un autre indice. Pour Trump, une structure fondée sur l’expertise et l’éthique professionnelle plutôt que sur la loyauté à son endroit est suspecte.
Méfiant à l’égard des fonctionnaires professionnels, il a confié d’énormes responsabilités pour la pandémie à son gendre, Jared Kushner. Le népotisme est en vogue chez les autocrates.
PAS D’IMPUTABILITÉ
L’autocrate est toujours présent pour saisir le pouvoir, mais il s’éclipse quand vient l’heure de rendre des comptes.
Donald Trump a dit lui-même n’accepter aucune responsabilité dans cette crise. Au début, il réclamait l’autorité absolue sur les tests de dépistage.
Depuis qu’il est clair qu’il n’a pas tenu ses promesses en cette matière, il soutient que le dépistage, c’est l’affaire des gouverneurs.
En démocratie, les structures indépendantes qui supervisent l’exécutif et l’obligent à rendre des comptes sont essentielles.
Depuis le début de la pandémie, l’administration Trump cherche à affaiblir ces contrôles.
À la Santé, l’inspectrice générale, Christi Grimm, a émis un rapport en mars déplorant la faible préparation du ministère. Trump a balayé le rapport du revers de la main en abreuvant son auteure d’insultes.
Dans tous les domaines, il fait la chasse aux inspecteurs chargés de veiller à l’efficacité et à l’intégrité de l’exécutif, qu’il cherche à remplacer par des officiers « loyaux ». Ça promet pour un second mandat…
ÉLECTIONS ET PANDÉMIE
Au Michigan, des partisans de Trump tonitruants se sont introduits, armes semi-automatiques au poing, dans l’enceinte de la législature pour intimider les élus.
Donald Trump s’est contenté de déplorer ces gestes du bout des lèvres. Ce n’est pas de bon augure pour la campagne électorale.
Pour l’élection, la pandémie pose des défis majeurs. Pour favoriser l’accès au vote sans compromettre la sécurité, l’idéal serait d’étendre le vote postal.
Le président et son parti s’opposent à cette pratique en alléguant les risques de fraude, qui sont pratiquement inexistants là où elle est en vigueur.
Trump et les républicains craignent que si tous les électeurs ont accès au scrutin ils n’aient aucune chance, c’est pourquoi ils cherchent à limiter cet accès.
CROISÉE DES CHEMINS
On a tendance à croire que les ÉtatsUnis sont à l’épreuve de l’autoritarisme, grâce à la culture démocratique des Américains et aux garde-fous institutionnels prévus par les fondateurs. C’est trop optimiste.
Devant un président qui enfreint systématiquement les normes démocratiques, trop d’Américains ont choisi de normaliser ses agissements.
La mainmise de Donald Trump sur les sénateurs républicains paralyse le contrôle du Congrès sur l’exécutif.
Quant aux tribunaux, ils sont trop lents pour soutenir le rythme des abus de pouvoir et leur efficacité est court-circuitée par un Attorney General inféodé au président.
Pierre-Elliott Trudeau avait fameusement dit, en paraphrasant T.S. Elliott, que si le Canada qu’il avait conçu disparaissait, ce serait avec fracas et non tout doucement
Ce n’est pourtant pas comme ça que les démocraties s’éteignent. L’histoire montre que les démocraties s’éteignent doucement, par la mise au rancard des normes démocratiques.
Les Américains continueront-ils à se laisser entraîner dans cette voie en 2020 ?