Le Journal de Montreal

CHSLD : des corridors de passage

- mario.dumont@quebecorme­dia.com MARIO DUMONT

Nous savions déjà que les CHSLD étaient des mal-aimés de notre système de santé. Cette crise nous en aura appris davantage sur l’ampleur des conditions de médiocrité qu’on y avait installées.

Ce qu’on y a fait ces dernières années ressemble à un effort concerté pour que ces bâtiments finissent comme des lieux sans âme.

Pour pousser ceux qui y travaillen­t à devenir des automates qui livrent les services prévus dans un quelconque paragraphe des directives du ministère.

Tout pour ne pas créer de sentiment d’appartenan­ce ni d’esprit d’équipe, des ingrédient­s précieux pour donner des soins critiques dans des conditions difficiles.

LES PATRONS

Pourquoi ? Commençons par la direction. Un CHSLD n’a pas de directeur général. Il relève de cadres des CISSS et des CIUSSS, qui ont dans leurs responsabi­lités les soins de longue durée aux aînés.

L’idée d’avoir un vrai patron, présent dans la boîte, signifie qu’une personne porte la responsabi­lité des résultats. Ce qu’on veut éviter à tout prix dans le système actuel. Un directeur général dans une organisati­on finit par savoir ce qui s’y passe vraiment.

Connaître la plupart des employés par leur nom, connaître à fond le centre dans tous ses aspects, des soins jusqu’à la cafétéria et l’entretien ménager. Cela n’existe plus dans la gestion dite « moderne ».

On a vu le résultat au début de la crise. Personne ne sait exactement ce qui se passe dans un CHSLD et personne ne se considère comme responsabl­e.

LES EMPLOYÉS

Si aucun patron n’est complèteme­nt installé dans un CHSLD, on semble suivre la même logique pour le personnel. Très peu de postes à temps plein ont été créés ces dernières années.

Pour se constituer un emploi à temps plein, une préposée devra additionne­r chaque semaine 12 heures dans ce centre-ci, quatorze heures dans un autre, puis 10 heures dans un troisième.

Pas de sentiment d’appartenan­ce ni d’esprit d’équipe. À chaque endroit, on n’est que de passage. Il semble qu’on ait fait ça par mesure d’économie. Les avancées salariales et les vacances progressen­t moins vite. Économies de bouts de chandelle.

Cette gestion honteuse a fortement contribué aux éclosions dans les CHSLD. Peut-être que, comme moi, vous avez été surpris par ces reportages sur le va-et-vient des employés qui passaient d’un établissem­ent à l’autre. Je savais que le phénomène existait, mais sans en soupçonner l’ampleur.

Nous savons aujourd’hui que ce n’était pas un hasard. Les choses étaient organisées comme cela à grande échelle. Encore pire dans les énormes établissem­ents que sont les CISSS et le CIUSSS des grandes villes. Ce laxisme a coûté des vies.

UN CORRIDOR

En résumé, un CHSLD est un bâtiment, mais pas une institutio­n en soi. Une institutio­n a une âme, un patron, une équipe d’employés permanents qui y travaillen­t toujours et se retrouvent pour le party de Noël.

Un CHSLD est un corridor, un vulgaire endroit où tout le monde n’est que de passage. C’est le milieu de vie que nous avons réservé à nos aînés.

En CHSLD, on se construit un emploi en travaillan­t à trois places.

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