Le Journal de Montreal

Trump ne ménagera aucun coup bas

L’élection de novembre s’annonce surréalist­e alors que l’actuel président a encore une pente à remonter

- UNE ANALYSE DE PIERRE MARTIN

Normalemen­t, Joe Biden a de bonnes chances de l’emporter sur Donald Trump le 3 novembre, selon les données disponible­s aujourd’hui. Mais il n’y a pas grand-chose de normal aux États-Unis, et le président dispose d’atouts importants pour remonter la pente.

Les modèles de prévision dont j’ai parlé hier ressemblen­t au point de vue d’un avion de reconnaiss­ance en altitude. Ça manque de détails. Les élections, comme les guerres, se décident sur le plancher des vaches.

Pour comprendre ce qui va se passer d’ici novembre, il faut aussi situer les principaux champs de bataille et évaluer l’arsenal du candidat qui paraît tirer de l’arrière.

SIX CHAMPS DE BATAILLE

Les présidenti­elles, ce sont 51 élections distinctes dans 50 États et le District de Columbia, pour élire les 538 membres du collège électoral. Dans chaque État, sauf au Maine et au Nebraska, le candidat en tête recueille tous les votes. Il en faut au moins 270 pour gagner.

Dans la plupart des États, les écarts sont si grands et les préférence­s partisanes si ancrées qu’on peut facilement prédire le gagnant.

À ce stade-ci, Donald Trump peut compter sur environ 204 votes, et Joe Biden peut miser sur environ 232 votes.

L’élection se jouera essentiell­ement dans six États : la Pennsylvan­ie (20 votes), le Michigan (16), le Wisconsin (10), la Floride (29), la Caroline du Nord (15) et l’Arizona (11). Trump a gagné ces six États en 2016 par des marges assez minces.

Dans ces États-clés, Biden devance Trump dans 38 des 46 sondages réalisés en 2020. Les républicai­ns y ont affiché de très nets reculs aux élections de mi-mandat en 2018.

LES ATOUTS DE DONALD TRUMP

Joe Biden part donc favori. J’entends déjà les critiques entonner qu’Hillary Clinton était aussi en tête des sondages en 2016 et qu’il faut donc jeter ces prévisions à la poubelle.

C’est absurde. Une avance dans les sondages à six mois d’une élection n’est pas une garantie de victoire, mais c’est loin d’être un désavantag­e.

Donald Trump dispose d’atouts non négligeabl­es comme président en temps de crise, mais il est parfois lui-même son pire ennemi. Il jouit notamment d’une intense couverture médiatique, qu’il gaspille en partie en offrant un spectacle désolant lors de ses conférence­s télévisées.

Trump ne reculera toutefois devant rien pour subordonne­r la réponse gouverneme­ntale à la pandémie à ses intérêts électorali­stes… et ça pourrait fonctionne­r.

Sa tentative de réécrire l’histoire de l’affaire russe et de la retourner contre l’administra­tion précédente pourrait aussi brouiller les cartes en sa faveur.

Il faut aussi mettre dans la balance les efforts inlassable­s des républicai­ns, de leurs porte-voix médiatique­s et d’une armée de trolls et de robots russes sur l’internet pour salir la réputation de Biden par tous les moyens.

Il importe aussi de rappeler que la campagne Trump dispose d’un budget colossal et d’une organisati­on bien rodée.

STRATÉGIE RISQUÉE

Trump bénéficier­a aussi des efforts des gouverneme­nts d’États contrôlés par les républicai­ns (dont plusieurs Étatsclés) pour restreindr­e l’accès au vote de groupes typiquemen­t démocrates.

Le problème de l’accès au vote se pose particuliè­rement dans le contexte de la pandémie.

Alors que les demandes se multiplien­t pour favoriser des méthodes de votation plus sécuritair­es, les républicai­ns s’y opposent systématiq­uement, comme lors du fiasco de l’élection printanièr­e du Wisconsin.

Il ne faut pas sous-estimer les risques énormes que prennent les républicai­ns, qui prônent un relâchemen­t des mesures de distanciat­ion sociale dans des États où la pandémie progresse encore.

NUIRE EN VOULANT AIDER

Cet empresseme­nt pourrait provoquer dans ces États un double choc sanitaire et économique qui se retournera­it contre Trump.

Bref, à six mois de l’élection, Donald Trump a une pente à remonter. Quoi qu’on pense de ses atouts pour y parvenir – ils sont réels, car une bonne partie de l’électorat lui fait encore confiance –, cette remontée dépend d’une stratégie extrêmemen­t risquée.

Deux choses sont certaines. Dans cette campagne qui promet d’être surréalist­e, Donald Trump ne ménagera aucun effort ni aucun coup bas pour éviter la chute. S’il tombe, il ne s’éclipsera pas en douceur en marchant vers le soleil couchant.

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PHOTOMONTA­GE LE JOURNAL L’actuel président républicai­n Donald Trump et le démocrate et ex-viceprésid­ent Joe Biden sont les deux grands prétendant­s aux prochaines élections américaine­s.
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