Le Journal de Montreal

La crise gérée à 260 km d’ici

- JEAN-LOUIS FORTIN, FÉLIX SÉGUIN, ALEXANDRE ROBILLARD, DOMINIQUE C.-GOULET ET ANNABELLE BLAIS

François Legault débarquera aujourd’hui dans une ville de Montréal où la perception de décalage entre les besoins et les décisions prises à Québec est plus grande que jamais.

Notre Bureau d’enquête a recueilli les confidence­s à cet effet d’une dizaine d’élus montréalai­s, employés de direction d’organismes publics, personnel politique et hauts gradés de corps policiers.

La plupart ont insisté pour garder l’anonymat, soucieux de ne pas afficher publiqueme­nt de dissension en temps de crise.

La visite à Montréal-Nord, vendredi dernier, du directeur national de la santé publique, Horacio Arruda, a laissé un goût amer.

« C’était la première fois que quelqu’un qui décide à Québec daignait mettre le pied à Montréal depuis le début de la crise », souffle une source bien au fait du dossier, avant d’ajouter que « la crise est gérée par des gens à 260 km de Montréal ».

« Je ne comprends pas pourquoi ils sont venus ici », confie un élu local. Une autre source parle d’un exercice « maladroit » de relations publiques.

L’incompréhe­nsion était d’autant plus grande cette semaine lorsque le Dr Arruda a justifié la fermeture d’une clinique de dépistage du secteur en avançant que la population ne s’y était pas présentée. La mairesse de Montréal-Nord, Christine Black, avait de son côté reçu des informatio­ns contraires.

« Dans la gouvernanc­e, il y a de quoi qui ne fonctionne pas », dit-elle en entrevue.

DÉCIDÉ À QUÉBEC

Cent quarante-deux résidents de Montréal-Nord sont décédés à ce jour. C’est davantage de morts que dans les régions de la Capitale-Nationale, du Saguenay–LacSaint-Jean et de l’Estrie mises ensemble. Pourtant, il n’y a aucune mesure de plus pour restreindr­e les déplacemen­ts ou imposer le port du masque.

« Il y a une espèce de décalage entre Québec et Montréal. [La directrice de la santé publique de Montréal] Mme Drouin doit être soumise aux diktats de Québec », dit une députée montréalai­se.

La santé publique de Montréal dispose pourtant d’une impression­nante liste de pouvoirs. La loi lui permet notamment d’« ordonner à une personne de respecter des directives précises pour éviter toute contagion ou contaminat­ion » et d’« ordonner la fermeture d’un lieu ».

Mais compte tenu de la situation d’urgence nationale, « les orientatio­ns et les directives sont prises par le directeur national de santé publique [à Québec], de concert avec les directions de santé publique régionales », dit Jean Nicolas Aubé, porte-parole de la santé publique de Montréal.

Une source dans l’entourage de la mairesse Valérie Plante en convient : « Rien n’est fait sans que Québec ne soit au courant. » Les proches de la mairesse sentent que l’avis de la Ville est « entendu et écouté », mais on rappelle que la CAQ n’a que deux députés sur l’île.

Newspapers in French

Newspapers from Canada