Le Journal de Montreal

Fermer l’île de Montréal aurait été pratiqueme­nt impossible

Les autorités redoutaien­t des files d’attente interminab­les aux ponts

- JEAN-LOUIS FORTIN, FÉLIX SÉGUIN, ALEXANDRE ROBILLARD, DOMINIQUE C.-GOULET ET ANNABELLE BLAIS

La santé publique a rapidement envisagé de fermer tous les ponts de Montréal au début de la pandémie de coronaviru­s, mais cette solution a été écartée, car elle aurait été pratiqueme­nt impossible à mettre en place.

Le 23 mars, soit 10 jours après le début de la crise, le chef de la police de Montréal, Sylvain Caron, a mandaté l’inspecteur-chef Mohamed Bouhdid pour préparer le confinemen­t de l’île.

Les forces de l’ordre voulaient être prêtes à empêcher l’accès à l’île de Montréal via les 16 ponts qui la relient à l’extérieur, sauf pour les travailleu­rs des services essentiels.

À ce moment-là, Montréal n’était pas encore devenue l’épicentre de la pandémie, comme c’est le cas aujourd’hui. On comptait moins de 500 cas positifs, et le premier décès allait y être enregistré deux jours plus tard.

Le commandeme­nt de l’opération aurait été assuré conjointem­ent avec la Sûreté du Québec (SQ), qui a juridictio­n sur la majorité des routes et autoroutes qui donnent accès à Montréal. À la SQ, c’est l’inspecteur-chef André Santerre, grand responsabl­e des mesures d’urgence, qui pilotait l’opération.

Les ponts devaient être prêts à être bloqués en 36 à 48 heures suivant la décision de Québec.

« On était certains qu’on allait confiner Montréal, pour nous, c’était l’évidence, raconte une source policière bien au fait des discussion­s. Mais nous avons compris rapidement que la Ville ne voulait pas se rendre là. »

FILES INTERMINAB­LES

Selon nos sources, les autorités ont rapidement constaté que ce plan aurait pu causer plus de mal que de bien.

Par exemple, même au plus fort des mesures de confinemen­t, 35 000 voitures par jour empruntaie­nt toujours le pont Jacques-Cartier.

Il aurait fallu 1000 patrouille­urs, soit 20 % de tous les effectifs de la province, pour contrôler les allées et venues. Les files d’attente aux contrôles policiers auraient été interminab­les, ce qui aurait pu avoir des impacts sur le réseau de la santé, dont beaucoup d’employés habitent les banlieues de Montréal.

Quelques jours plus tard, le 28 mars, notre Bureau d’enquête révélait que la santé publique de Montréal avait en préparatio­n une série de mesures, dont des limitation­s de déplacemen­t dans un rayon de 1 km du domicile. L’annonce a été reportée, puis carrément annulée.

MESURES PLUS MUSCLÉES

Selon plusieurs sources, si la directrice de la santé publique de Montréal, Mylène Drouin, voyait d’un bon oeil des mesures plus musclées, la mairesse, Valérie Plante, elle, était plus réticente.

Tous s’entendent pour dire qu’un confinemen­t de l’île aurait nécessité l’aval du gouverneme­nt du Québec (voir autre texte).

Questionné par notre Bureau d’enquête, le ministère de la Santé n’a pas voulu s’avancer sur des aspects précis des plans pour l’île de Montréal.

« Les avantages et les désavantag­es des mesures de confinemen­t […] ont été évalués. Les mesures recommandé­es par les autorités de santé publique reposent d’abord et avant tout sur des considérat­ions de santé publique », nous a-t-on répondu.

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PHOTO D’ARCHIVES, PIERRE-PAUL POULIN Même en temps de confinemen­t, 35 000 véhicules passaient encore chaque jour sur le pont Jacques-Cartier, à Montréal.

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