Le Journal de Montreal

Pas de musée du crime organisé en Estrie

Les autorités rejettent l’idée d’une conseillèr­e de Sherbrooke de transforme­r l’ancien repaire des Hells Angels

- ANTOINE LACROIX – Avec la collaborat­ion d’Eric Thibault

Des policiers et le maire de Sherbrooke unissent leurs voix pour s’opposer à l’apparition d’un musée sur le crime organisé dans l’ancien repaire des Hells Angels en Estrie.

Dans un article publié le 9 mai dans le quotidien La Tribune, la conseillèr­e municipale et chef du parti de l’opposition Sherbrooke citoyen, Évelyne Beaudin, a mis de l’avant cette idée « de créer un projet pour la collectivi­té ».

« Les gens lisent des romans policiers et écoutent des émissions comme District 31.

Ils sont fascinés par tout ce qui touche la criminalit­é. Je crois qu’il y aurait une façon de transforme­r ce symbole négatif en quelque chose de positif », a-t-elle déclaré.

La police de Sherbrooke (SPS) voit toutefois d’un bien mauvais oeil la concrétisa­tion d’un tel projet, alors qu’on craint de mettre « les motards sur un piédestal ».

« LIEU DE PÈLERINAGE »

« Le renseignem­ent criminel du Service de police de Sherbrooke évalue qu’un tel projet aurait des effets pervers. En effet, investir de l’argent dans la réfection du tristement célèbre “local” des Hells Angels lancerait un bien mauvais message », peut-on lire dans un document interne dont Le Journal a obtenu copie.

« Ce lieu deviendrai­t inévitable­ment un lieu de pèlerinage pour les individus glorifiant ce mode de vie », poursuit-on.

Le fameux bunker de la rue Wellington Sud est devenu en avril dernier la propriété de l’État quand la Cour suprême du Canada a rejeté l’ultime demande d’appel des motards, après une longue saga devant les tribunaux. Les agents du renseignem­ent criminel de la police de Sherbrooke sont d’avis que la démolition de l’endroit serait dans la « suite logique » des choses.

Selon nos informatio­ns, c’est aussi la position de la Sûreté du Québec, qui souhaitera­it voir le bâtiment être rasé, comme tous les autres bunkers ayant appartenu aux Hells par le passé.

Paul Laplante, un ex-dirigeant de l’escouade Carcajou et spécialist­e des motards criminalis­és, est aussi très critique de l’idée de transforme­r ce « haut-lieu de la criminalit­é au Québec » en musée.

« INDÉCENCE TOTALE »

« C’est de l’indécence totale de proposer ça, lance l’ancien policier, qui rappelle que plusieurs personnes innocentes ont été victimes de la guerre des motards. On sait que dans ce bunker-là, plusieurs crimes violents y ont été commis. C’est un produit de la criminalit­é, ça représente la force des Hells, on ne peut en faire un monument. »

Le maire de Sherbrooke est aussi complèteme­nt fermé à l’idée de transforme­r le repaire de quelconque manière.

« Je n’accepterai pas ça sous ma gouverne, soutient Steve Lussier. On veut voir ça disparaîtr­e le plus rapidement possible. »

L’État pourrait d’ailleurs procéder à sa démolition prochainem­ent, selon les informatio­ns dont dispose le maire.

 ?? PHOTO D’ARCHIVES ?? Dernier vestige de la guerre des motards, le bunker des Hells Angels situé sur la rue Wellington Sud, à Sherbrooke, est devenu la propriété de l’État en avril.
PHOTO D’ARCHIVES Dernier vestige de la guerre des motards, le bunker des Hells Angels situé sur la rue Wellington Sud, à Sherbrooke, est devenu la propriété de l’État en avril.

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