L’irréductible et si secrète Renée Claude
Depuis quelques années, Renée Claude n’était plus qu’une ombre. Maintenant, elle a disparu pour de bon.
Mais les personnes de ma génération entendront encore longtemps sa voix si particulière. Une voix qu’on reconnaît entre toutes. Les chansons de Stéphane Venne et de Luc Plamondon auxquelles elle a donné un lustre inaltérable redeviennent des vers d’oreille chaque fois qu’on les entend.
Sortie en 1970 au moment de la crise d’Octobre, l’inoubliable C’est le début d’un temps nouveau accompagna comme un hymne martial la campagne victorieuse du Parti québécois en 1976. Encore aujourd’hui, tous les Québécois qui espéraient l’indépendance ne l’entendent jamais sans éprouver une vive nostalgie pour un pays qui n’a pas su naître.
Je n’ai pas très bien connu Renée Claude. D’abord, parce que sa retenue m’intimidait. On ne franchissait pas sans appréhension la frontière que sa réserve naturelle créait autour d’elle. C’était aussi une grande vedette. Elle avait chanté en Grèce, au Japon et en URSS et à la salle Wilfrid Pelletier avec l’Orchestre symphonique de Montréal.
MA PREMIÈRE RENCONTRE AVEC RENÉE
C’est donc en marchant sur des oeufs que je l’avais rencontrée en 1975 pour lui parler de la possibilité de jouer le rôle de Francine Duval dans la série Jamais deux
sans toi, que j’avais commencé à écrire pour Radio-Canada. Je voulais faire du personnage de Francine une authentique féministe sans qu’il y paraisse, une femme réfléchie pouvant tenir tête sans qu’il y ait d’éclats à Rémi Duval (Jean Besré), un mari macho encore imbu des principes matrimoniaux d’une époque périmée. Elle me semblait toute désignée.
La première réaction de Renée Claude fut un sourire timide et un regard étonné. Elle ne se voyait pas du tout comme comédienne. Surtout pas comme la vedette d’une série de télévision. Au sourire incrédule, mais sympathique dont elle ne se départit jamais malgré mon insistance, je vis bien qu’elle ne changerait pas d’idée.
Dans les années qui ont suivi, chaque fois que j’ai rencontré Renée Claude, nous avons échangé un sourire complice. Dans le mien, il y avait encore le regret de n’avoir pu la convaincre de jouer dans ma série. Le sien signifiait plutôt qu’elle avait eu raison de refuser, Angèle Coutu incarnant le personnage de Francine à la perfection.
UNE QUESTION DE COULEUR DE CHEVEUX
Ne sachant rien de ma démarche auprès de Renée Claude, Rolland Guay, le réalisateur qui m’avait poussé à écrire Jamais
deux sans toi, organisa une audition avec plusieurs comédiennes afin de choisir celle à qui le rôle de Francine serait confié. Angèle Coutu et Monique Lemieux finirent toutes deux en tête de l’audition. Laquelle allions-nous choisir ?
Après une discussion animée, Rolland Guay conclut qu’il fallait préférer Angèle Coutu. « Comme elle est blonde, me dit-il sur un ton péremptoire, elle composera une plus belle image avec Jean Besré, qui a les cheveux brun foncé ». Je m’inclinai. Si Renée Claude avait accepté ma proposition, elle avait une telle renommée que Rolland Guay n’aurait sûrement jamais invoqué ses longs cheveux noirs pour lui préférer quelqu’un d’autre.
Des années plus tard, désormais convaincue qu’elle pouvait aussi être comédienne, Renée Claude accepta de jouer dans la série Triplex (1994) que mon fils, Christian, écrivait pour TQS. Coïncidence amusante, le personnage qu’elle interprétait dans la série s’appelait Angèle !