SCANDALE DES COMMANDITES, VERSION 1980
Les référendums, peut-être encore plus que les élections, suscitent des chocs publicitaires frontaux.
En 1980, la nouvelle loi sur les consultations populaires est mise à l’épreuve pour la première fois de multiples manières.
La première est subliminale. En pleine campagne, le 7 mai, Le Journal souligne que le ministère de la Santé fédéral a commencé à diffuser une publicité contre l’abus d’alcool dont le message central est « “Non merci“... ça se dit bien ».
Or, l’expression « non merci » est aussi au centre de la campagne du camp du NON au référendum.
Le camp du OUI fulmine, surtout quand on l’informe qu’Ottawa a aussi inséré un feuillet sur son « dialogue sur l’alcool » avec le slogan « “Non merci“... ça se dit bien » dans l’enveloppe des allocations familiales et des pensions de vieillesse. Distribution qui a d’ailleurs été devancée pour que les Québécois reçoivent ces versements prétendument avant qu’une grève des postes soit déclenchée.
UNE « COÏNCIDENCE »
Santé Canada soutiendra quelques jours plus tard que l’emploi du terme « Non merci » était une « coïncidence », qu’il l’avait d’ailleurs déjà utilisé en 1978.
Dans le camp fédéraliste, on reprochait au gouvernement Lévesque, depuis quelques années, de faire mousser le sentiment nationaliste avec ses slogans « Tout le monde s’attache au Québec » (pour encourager l’utilisation de la ceinture de sécurité) et « Au Québec, faut se tenir... en santé » (grande campagne sur la santé de la population), entre autres.
Le 10 mai, René Lévesque annonce qu’une plainte sera déposé devant les tribunaux pour publicité illégale. Il dénonce des pubs radios et des épinglettes fédéralistes qui n’avaient pas été émis par le comité du NON mais par Ottawa.
« Le gouvernement fédéral devra répondre en cour à cette orgie de dépenses à même les fonds publics qui ne sont pas comptabilisées au budget du comité du NON », lance-t-il devant une assemblée de 1000 personnes à Shawinigan.
Finalement, un tribunal, le Conseil du référendum, tranchera le 16 mai et exposera une faille importante de la loi.
« Nulle loi ne peut avoir d’effet sur les droits de la Couronne à moins qu’il n’y soit expressément compris… ou encore à moins de l’avoir accepté. »
Autrement dit, les dépenses d’Ottawa « même si elles favorisent ou défavorisent directement ou indirectement une option soumise à la consultation populaire, ne peuvent être des dépenses réglementées».
DÉPENSES EN PUBLICITÉ
Douze ans plus tard, le politologue Robert Boily soutenait que le fédéral étant libre de dépenser sans compter, le principe d’« égalité de moyens » contenu dans la loi était bien théorique !
Combien le fédéral a-t-il dépensé en 1980 en publicité ? Difficile à dire, comme le notera le professeur Louis Massicotte, de l’Université Laval : le montant total a été estimé «successivement à 3, puis à 5 et [...] à 17,5 millions de dollars ».
Chose certaine, cela « excédait de loin les limites imposées à un comité national ». Un premier scandale des commandites, en somme.