Le Journal de Montreal

LOUISE Pensée du jour DESCHÂTELE­TS

- – Proverbe grec

La nature nous a donné deux oreilles et seulement une langue afin que nous puissions écouter deux fois plus que nous ne parlons.

Devrais-je révéler aux enfants la vérité sur leur père ?

Je fus mariée pendant 40 ans à un homme qui m’a très vite fait comprendre que c’était lui le boss. Même s’il n’a jamais usé de violence, il était quand même d’un naturel brusque et ne supportait aucune contradict­ion.

J’ai eu trois enfants. Je voyais totalement à leur bien-être ainsi qu’à l’entretien de la maison, même si je travaillai­s à l’extérieur, ma soupape pour endurer le reste. Dès la naissance de mon plus vieux, j’ai appris par une parente que mon mari me trompait avec une amie de la famille.

J’ai confronté la fille, qui a tout nié. Mais quelques jours plus tard, mon mari m’avouait sans ménagement que ce que j’avais appris était vrai. Il voulait par contre savoir en quoi ça me dérangeait, puisque ça ne m’enlevait rien, qu’il restait avec moi en me payant tout ce que je voulais, et que je demeurais la reine de son foyer.

Je ne pouvais pas m’imaginer continuer ma vie avec lui, en même temps que je ne pouvais pas partir sans créer des remous dans notre ménage et dans sa famille. Mon mari étant considéré comme un bollé par les siens, je risquais de me les mettre tous à dos. J’ai donc choisi d’endurer pour assurer ma sécurité.

Puis j’ai eu deux autres enfants. Le peu de temps que mon mari passait avec nous m’indiquait bien qu’il continuait d’avoir une vie parallèle, mais je n’en avais pas de preuve, jusqu’à ce que j’apprenne qu’il avait mis enceinte une fille de son entreprise avec qui il avait eu une histoire.

Bref, il avait continué à me tromper, tout en jouant pour la galerie la carte de la famille unie, puisque moi, j’étais toujours au poste. Mais qu’aurais-je pu faire avec trois enfants et la pression exercée par la famille de mon mari pour que les apparences soient sauves ?

J’ai tout enduré sans jamais rien laisser paraître de ma peine, pour que mes enfants ne soient conscients de rien et continuent d’aimer leur père. Mais honnêtemen­t, ma vie de femme en a été largement perturbée. Et mon mari est décédé d’une maladie cardiaque l’an dernier.

Incapable d’exprimer une peine que je ne ressentais pas, j’ai traversé l’épreuve comme un zombie, en colère de voir mes enfants encenser cet homme qui m’avait fait tant de mal. Peu après les funéraille­s, j’ai profité d’une rencontre avec le notaire pour amorcer avec eux une explicatio­n sur ce qu’était réellement leur père. Mes deux gars et ma fille n’ont rien voulu savoir et m’ont même intimé de ne jamais revenir là-dessus.

Vous ne pouvez pas savoir ce que ça m’a fait. C’est comme s’ils me disaient que dans le fond, lui seul avait eu de l’importance dans leur vie. Pensez-vous que je mérite ça de leur part ? Aurais-je été une si mauvaise mère ? J’aimerais tellement qu’ils sachent ce que leur père m’a fait. Mère qui se sent bafouée

Vos enfants ne vous dénigrent en rien, ils vous font simplement savoir que ce qui est arrivé entre leur père et vous ne les regarde pas, puisque ça relève de votre vie de couple. Au lieu de vous accrocher à un passé révolu que vous avez accepté de votre plein gré et en toute connaissan­ce de cause, pourquoi ne pas vous tourner vers l’avenir pour enfin vous bâtir une vie intéressan­te et à la hauteur de ce que vous méritez ?

Il est fini le temps des « J’aurais donc dû… j’aurais donc pas dû ». Vous vous êtes sacrifiée parce que vous aviez vos raisons, peut-être pas toutes limpides, mais ça aussi, c’est terminé. Cessez de ruminer, pour vous tourner enfin vers l’avenir, afin de montrer à vos enfants que vous avez une colonne vertébrale. Et surtout, consacrez toutes vos énergies à vous rendre enfin la vie belle.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada