Le Journal de Montreal

Voir aussi la chronique de Loïc Tassé

Les otages canadiens détenus en Chine risquent de demeurer longtemps en prison.

- Loïc Tassé

Pour deux raisons. D’abord parce que le gouverneme­nt chinois devient de plus en plus dictatoria­l. Ensuite parce que le gouverneme­nt canadien a adopté une stratégie inefficace face à la Chine. Contrairem­ent à ce que l’on pourrait croire, le Canada dispose de plusieurs moyens de faire pression sur la Chine. Mais encore faut-il être capable de les utiliser et avoir la volonté de le faire. Au fond, la Chine est un exemple parmi d’autres de la faiblesse du gouverneme­nt Trudeau à l’internatio­nal.

1 De quoi sont accusés les deux Canadiens ?

Michael Kovrig et Michael Spavor sont accusés d’espionnage. En Chine, tout et rien peuvent motiver des accusation­s d’espionnage : lire un livre classé « interne », mais en vente libre, prendre une photo d’un poste de police ou encore poser des questions politiques à des citoyens chinois. Comme le déclarait récemment Cai Xia, une professeur­e de droit à la retraite de l’École centrale du Parti communiste, il n’y a plus de règle de droit en Chine. Pire, selon elle, le Parti communiste chinois est devenu un parti zombie, à la solde de Xi Jinping. De toute manière, comme il s’agit d’accusation­s d’espionnage, la preuve va demeurer secrète.

2 En quoi l’enjeu dépasse-t-il une prise d’otage ?

Ce qui est en cause est l’évolution globale du gouverneme­nt chinois, qui chaque jour devient plus dictatoria­l et plus menaçant, ainsi que la place du Canada dans le monde. Cette semaine, l’armée chinoise, selon toute vraisembla­nce, a tenté d’établir un avant-poste dans une zone frontalièr­e contestée par l’Inde. Des combats ont eu lieu entre l’armée chinoise et l’armée indienne. Cette semaine encore, le gouverneme­nt australien a accusé la Chine à mots couverts de se livrer à une gigantesqu­e attaque informatiq­ue simultanée sur toutes les institutio­ns du pays. Que ce soit face à Hong Kong, à Taïwan, en mer de Chine ou dans ses déclaratio­ns, le gouverneme­nt de Xi Jinping est de plus en plus agressif. Cette agressivit­é est d’autant plus forte que la crise de la COVID-19 a bousillé la tranquille assurance économique du gouverneme­nt chinois. Des dissension­s contre Xi Jinping commencent même à percer au grand jour.

3 Que pourrait faire le gouverneme­nt du Canada ?

Quelques diplomates canadiens habiles sont parvenus à gagner l’appui de plusieurs gouverneme­nts européens contre la Chine. Mais il faut davantage. Le gouverneme­nt canadien pourrait répondre coup par coup au gouverneme­nt chinois. Il pourrait restreindr­e le nombre d’étudiants chinois qui viennent étudier au Canada, invoquer la sécurité nationale pour interdire certaines importatio­ns chinoises, se rapprocher de Taïwan, etc. Contre un gouverneme­nt de voyous, seules les actions dures fonctionne­nt.

4 Pourquoi accorder autant d’importance aux otages canadiens ?

Le gouverneme­nt Trudeau a besoin d’un succès à l’internatio­nal pour faire oublier l’échec de sa campagne pour un siège au Conseil de sécurité. Malheureus­ement, l’approche accommodan­te de Justin Trudeau avec la Chine a abouti à une impasse. Le gouverneme­nt de Trudeau est faible, incapable d’une grande stratégie à long terme.

5 Quelles leçons tirer de cette crise ?

Les États-Unis et la Chine sont en train de se détacher économique­ment l’un de l’autre. Quelle est la place du Canada dans le nouvel ordre mondial qui se dessine ? Certaineme­nt pas de se tenir aux côtés d’une Chine dictatoria­le qui n’hésite pas à utiliser les pires moyens de chantage. Le Canada devrait s’éloigner commercial­ement de la Chine de Xi Jinping.

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