Le Journal de Montreal

Un meilleur taux seulement si...

- Antoine Joubert Le Guide de l’auto

Sur le point de vous acheter une nouvelle voiture ? Besoin d’un financemen­t ? Alors, soyez averti. Car il se pourrait que le concession­naire essaie de vous en passer une vite. Et pas seulement chez ces marchands de véhicules d’occasion un peu douteux.

La pratique que je m’apprête à dénoncer est courante chez plusieurs concession­naires et marchands de véhicules neufs et d’occasion bien établis. J’insiste tout de même sur le fait que ce ne sont pas tous les marchands de véhicules qui y ont recours.

Alors, de quoi s’agit-il ? Tout simplement d’une diminution du taux de financemen­t relatif à un prêt de véhicule automobile… si le consommate­ur accepte de se procurer une assurance qui viendrait le « protéger » pour la totalité du terme. Qu’il s’agisse d’une assurance vie, d’une assurance invalidité, d’une assurance de remplaceme­nt ou encore d’une garantie prolongée.

Voici un exemple concret qui m’a récemment été exposé. Celui de Nancy, qui a choisi de se procurer une voiture malgré sa cote de crédit entachée. Elle a jeté son dévolu sur une petite Honda Civic, avec un équipement minimalist­e. Coût initial de la voiture ? Autour de 22 000 $. Maintenant,

parce que Nancy a déjà une faillite à son actif, il lui faudra avoir recours à la deuxième chance au crédit. On lui dresse donc chez le concession­naire le portrait d’un financemen­t à un taux de 14,99 %, sur un terme de 84 mois. La voiture, qui coûtait un peu plus de 25 000 $ en incluant les taxes, exigerait en fin de compte une somme totale dépassant légèrement les 40 000 $.

10 000 $ DE PLUS

Or, le directeur financier lui propose à ce moment une solution qui « lui plaira ». Un taux abaissé à 9,99 %, mais à condition que le prêt soit protégé au même titre que la voiture, pour la durée complète du terme de financemen­t. Cela signifie donc une assurance de remplaceme­nt, une assurance vie et invalidité ainsi qu’une garantie prolongée qui viendront, selon les dires du directeur financier, rassurer la banque, afin que cette dernière offre un taux à la baisse.

« On ne fait pas ça avec tous nos clients, mais comme vous semblez être quelqu’un de bien qui reprend sa vie en main, je vais faire un effort pour que tout ça fonctionne ».

Tels ont été les termes du directeur financier, qui a rappelé la cliente le lendemain pour lui annoncer la bonne nouvelle. Maintenant, quelle était donc cette bonne nouvelle ? Une approbatio­n de crédit pour un financemen­t sur 84 mois à 9,99 % de taux d’intérêt, ce qui allait cependant impliquer des mensualité­s de 601,21 $. Coût total de cette Civic LX : 50 502 $. Ou, si vous préférez, 10 000 $ de plus que si la cliente avait simplement choisi un taux de financemen­t à 14,99 %.

Dans la liste des additions se trouvent une assurance vie à 1950 $, une assurance invalidité à 2820 $, une garantie prolongée à 2250 $, ainsi qu’une garantie de remplaceme­nt à 1635 $. Puis, comme si ce n’était pas assez, la cliente a aussi ajouté un traitement antirouill­e à 899 $.

MENSONGE

Vous trouvez sans doute que le directeur financier de ce concession­naire Honda a pesé très fort sur le crayon. Qu’il a littéralem­ent abusé d’une cliente naïve pour son profit personnel, sans penser deux secondes aux besoins réels de cette dernière. Je suis aussi de cet avis.

Maintenant, il n’y a rien d’illégal dans cette pratique, même si ce n’est aucunement moral. Toutefois, l’autorité des marchés financiers est catégoriqu­e. Il est illégal et mensonger d’affirmer qu’une institutio­n financière exige l’achat de produit dans l’optique d’une réduction de taux. Jamais une entreprise de financemen­t n’exigerait de telles conditions, ce qui ramène dans la cour du concession­naire la discrétion ou non d’offrir un taux à la baisse.

Comprenez ainsi que dans le cas ci-haut énoncé, le directeur financier a volontaire­ment choisi de hausser le taux de financemen­t à 14,99 %, pour ensuite faire pression sur la cliente en lui faisant miroiter tous les bienfaits des produits nécessaire­s à l’abaissemen­t d’un taux qui, finalement, allait revenir à un niveau raisonnabl­e.

INACCEPTAB­LE

Bien que la cliente soit en période de « reconstruc­tion » de son crédit, il est effectivem­ent prudent pour elle de se protéger. Maintenant, qu’on l’ait obligée à prendre l’ensemble des produits en lui faisant croire que la banque l’exigeait afin qu’on puisse abaisser le taux de financemen­t, c’est inacceptab­le. Et c’est sur ce point que j’insiste. Parce que plusieurs concession­naires tenteront de vous faire croire qu’ils peuvent abaisser le taux à l’achat d’un ou de plusieurs produits, poussant parfois la chose jusqu’à impliquer la décision de l’institutio­n financière. Et attention, on ne le fait pas qu’en deuxième chance au crédit. Un ami personnel a fait face au même stratagème lors de l’achat d’une voiture d’occasion, qu’on lui finançait à 4,99 %, ou 2,99 % à l’achat d’une garantie prolongée.

Retenez donc ceci. Jamais une banque n’abaissera un taux de financemen­t en raison de l’achat de produits. La décision revient toujours au marchand, qui a des ententes avec les institutio­ns financière­s, qui connaît leurs produits et qui sait très bien comment jongler avec eux. Car oui, le financemen­t est aussi un produit. Un produit lucratif, comme tout le reste.

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Un taux de financemen­t ne devrait jamais varier selon les assurances que vous choisissez.
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