Le Journal de Montreal

C’est le temps de « parler bleu »

- SOPHIE DUROCHER

Dans deux jours, on célèbre la Saint-Jean. Hé que ça va être beau de célébrer notre petit coin de pays francophon­e en Amérique.

On va faire le party et avoir du fun avec nos best ,nos chums, notre gang et nos kids ,onva se dire « Cheers » en trinquant et en criant « Québec rocks »et « You’re the best !».Onvase donner du gros Love.

Tous nos instagramm­eurs, dont on follow les comptes et like les

posts, vont souligner ça en écrivant en bilingue hashtag #happy #spreadthel­ove #summer. WHAT IS WRONG WITH US ?

En cette année de fierté locale, où on célèbre les produits d’ici avec Le panier bleu, est-ce qu’on devrait partir le mouvement « Parler bleu » ?

Remettons des prix citron à ces artistes qui nous abreuvent de publicatio­ns sur les médias sociaux dans une langue bâtarde et approximat­ive que Camille Laurin ne reconnaîtr­ait pas.

Coeur de pirate est vraiment la reine du bilingue. Ou devrais-je dire la « queen » ? « Found a piscine », « Another jour in covid-world », « Ponton time ». Remettons des prix citron aux commerces de Montréal dont les comptes Instagram sont en anglais uniquement.

Récemment j’ai écrit un commentair­e à un groupe de restaurant­s unilingues anglais… à Montréal ! Vous savez ce qu’ils m’ont répondu : « Do you speak

English, Sophie ? ». (La réponse est oui, comme je parle aussi italien et espagnol).

C’est vraiment se foutre de notre gueule que de nous culpabilis­er, nous, les francophon­es qui osons réclamer ne serait-ce qu’une miette de respect pour le fait que la langue officielle de cette province est le français.

Un coup parti, remettons aussi un prix citron aux éditions Boréal qui annonçaien­t la semaine dernière une toute nouvelle collection : « Nature writing ».

C’est quoi le « nature writing » ? Imaginez-vous donc que ce sont des livres de fiction ou d’essais qui parlent de notre rapport particulie­r avec la nature.

Que des influenceu­ses avec 50 mots de vocabulair­e se servent de la béquille de l’anglais, c’est une chose. Mais qu’une maison d’édition sérieuse se mette à parler Franglais, c’est navrant.

Quand mon mari a fait la remarque à Boréal, voici la réponse qu’il a reçue : « La traduction précise de ce terme anglais (États-Unis) n’a pas encore été trouvée. Il ne s’agit pas de livres sur la nature (expression fourre-tout qui réunit tous types de documents), le sens est plus profond, il relève de l’émotion, de la sensation, de l’inspiratio­n, de l’écriture ».

NOUVEAU MOT

Bizarremen­t, en quelques clics, j’ai pu trouver plusieurs sources qui ont traduit ce style littéraire par « Écriture de la nature », « Écrire la nature » ou « Texte environnem­ental ».

On aurait aussi pu inviter un nouveau mot, comme « litténatur­e ».

Dans son communiqué pour annoncer sa collection de « nature writing », Boréal écrit : « Une situation géographiq­ue comme la nôtre, privilégié­e quant au rapport à la nature sauvage, a forcément produit des écrivains proches du monde vivant. (…) Un lieu ouvert aux aventures de la langue dans la richesse vivante d’un monde sauvage menacé. »

C’est intéressan­t de voir que pour Boréal, « un monde sauvage menacé » est plus important à préserver qu’« une langue magnifique menacée ».

Alors, pour cette Saint-Jean 2020, peut-on s’engager à parler bleu, chouchoute­r, bichonner notre Français ?

Après tout, comme le dit si bien Coeur de pirate : « Le best est à venir ».

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