Le Journal de Montreal

L’état des lacs se détériore

Trois de plus sont en état critique, et la COVID-19 vient nuire aux efforts de protection des plans d’eau

- ANNABELLE BLAIS ET PHILIPPE LANGLOIS Bureau d’enquête

Au moment où les Québécois profitent plus que jamais des lacs, faute de pouvoir voyager à l’étranger, l’état de ces plans d’eau se détériore. Et les projets pour améliorer la situation sont ralentis par la pandémie de COVID-19.

Pour la deuxième année consécutiv­e, notre Bureau d’enquête vous présente un dossier sur l’état des lacs de la province, que vous pourrez lire en pages 31 à 39.

Le nombre de lacs en très mauvais état est passé de 15 à 18, tandis que ceux jugés préoccupan­ts, qui nécessiten­t des interventi­ons, demeurent à près de 200.

Notre classement se base sur les données du Réseau de surveillan­ce volontaire des lacs (RSVL), qui sont les plus exhaustive­s avec 827 lacs répertorié­s sur les quelque 500 000 que compte le Québec.

Ce réseau repose essentiell­ement sur des bénévoles et les résultats ne sont que la pointe l’iceberg.

« Un lac peut être en très mauvais état et ne pas avoir d’organisati­on pour en faire le suivi, explique Antoine Verville, directeur général du Regroupeme­nt des organismes de bassins versants du Québec (ROBVQ). »

LA PANDÉMIE NUIT AUX EFFORTS

Et cette année, la surveillan­ce est complexifi­ée par les mesures sanitaires liées à la pandémie.

« Énormément moins de lacs feront l’objet de suivi à cause de la COVID-19 pour des raisons sanitaires et de disponibil­ités des ressources dans les laboratoir­es », explique M. Verville. Des programmes de restaurati­on de lacs ont aussi été mis sur la glace (voir en page 33).

Mais plus grave encore, les vacanciers qui souhaitent savoir si le lac où ils se baignent est propice aux algues bleu-vert (cyanobacté­ries), potentiell­ement dangereuse­s, resteront dans l’inconnu.

Depuis quelques années, le ministère de l’Environnem­ent du Québec ne se déplace pratiqueme­nt plus pour constater la présence de cyanobacté­ries. Le dernier bilan sur son site web remonte à 2015. Seulement 5 lacs ont été inspectés en 2019-2020 sur 61 signalemen­ts effectués, et trois étaient atteints. L’année précédente, seuls 10 lacs avaient été visités. On est bien loin des 275 lacs inspectés en 2007 pour ce problème précis.

Le ministère explique qu’il se consacre maintenant davantage au « contrôle des sources de pollution en phosphore » (qui se trouve par exemple dans les engrais et les eaux usées) plutôt qu’à « documenter » un phénomène déjà connu.

Il ajoute qu’en 2019-2020, 5247 inspection­s ont été réalisées sur des ouvrages municipaux d’assainisse­ment des eaux usées et en milieu agricole. Mais ce ne sont pas des inspection­s sur les lacs.

DÉMOBILISA­TION

S’intéresser aux sources de phosphore responsabl­es des algues bleu-vert est une bonne chose, reconnaît Sebastien Sauvé, professeur en chimie environnem­entale à l’Université de Montréal, qui mène actuelleme­nt un des plus grands projets de recherche sur la cyanobacté­rie au monde.

« Mais l’un n’empêche pas l’autre, nuance-t-il. Cet été, il y aura davantage de personnes dans les chalets et si elles voient des algues apparaître, ça change rien pour elles que le ministère soit en train de faire de mesures dans les fermes, ça ne permet pas de savoir si l’eau est baignable ou pas. »

Aujourd’hui, le ministère ne se déplace que si le plan d’eau est une source d’eau potable et s’il n’y a pas encore eu de signalemen­ts de cyanobacté­ries, notamment.

« De savoir qu’il y a déjà eu des cyanobacté­ries dans le passé, ça ne dit pas si celles de cette année sont toxiques ou non », explique M. Sauvé.

« Lorsque les associatio­ns font un signalemen­t et se font répondre “on ne se déplace plus pour des cas connus”, alors ils ne signalent plus parce que ça ne vaut pas la peine », ajoute M. Verville.

« On a eu la crise en 2006 […] il y avait une panique, se souvient Julie Grenier, coordonnat­rice de projet pour le Conseil de gouvernanc­e de l’eau des bassins versants de la rivière Saint-François. Mais on est tombés dans l’autre extrême où les gens se sont désensibil­isés et ne signalent plus. Quand le ministère se déplaçait, les gens avaient l’impression que la problémati­que était plus prise en charge. »

 ?? PHOTOS MARTIN CHEVALIER ET COURTOISIE ?? Réjean Vézina, président de l’Associatio­n de protection du lac à la Truite, près de Thetford Mines, déplore l’état du plan d’eau qui figure parmi les 18 pires au Québec. En mortaise, on voit des algues bleu-vert dans le Petit lac Saint-François, en Estrie. Ces algues causent des éruptions cutanées et des problèmes gastriques.
PHOTOS MARTIN CHEVALIER ET COURTOISIE Réjean Vézina, président de l’Associatio­n de protection du lac à la Truite, près de Thetford Mines, déplore l’état du plan d’eau qui figure parmi les 18 pires au Québec. En mortaise, on voit des algues bleu-vert dans le Petit lac Saint-François, en Estrie. Ces algues causent des éruptions cutanées et des problèmes gastriques.

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