Le Journal de Montreal

Encore visés par des fraudeurs Des enseignant­s sont de plus en plus nombreux à déceler des demandes illicites de PCU à leur nom

- ARNAUD KOENIG-SOUTIÈRE

Les enseignant­s québécois n’en ont pas fini avec les vols d’identité : après avoir été pratiqueme­nt tous touchés par une fuite de données il y a six mois, ils sont de plus en plus à rapporter être victimes de fraudeurs par l’entremise de la PCU.

En février dernier, le ministère de l’Éducation rapportait une fuite majeure d’informatio­ns personnell­es concernant plus de 51 400 de ses enseignant­s, dont leur numéro d’assurance sociale.

La Prestation canadienne d’urgence (PCU) s’est ajoutée aux nombreux stratagème­s des fraudeurs pour tirer profit de ces informatio­ns, semble-t-il. Pour plusieurs enseignant­s avec qui Le Journal s’est entretenu, il s’agit d’un énième vol d’identité qui les pousse à bout.

CARTE DE CRÉDIT

Guillaume Joly, un résident de Saint-Eustache qui enseigne sur l’île de Montréal, a été averti par un courriel d’Équifax le 24 juillet dernier. On le questionna­it quant à une demande pour une carte de crédit avec la banque BMO, où il avait, lui dit-on, un compte. Le problème, c’est qu’il n’a jamais eu le moindre lien avec l’institutio­n bancaire.

« Il semble que [le fraudeur] a ouvert le compte en personne avec mon permis de conduire, en signant mon nom et en déposant de l’argent dans le compte », raconte M. Joly.

Plus tard, il a pris l’initiative de vérifier son dossier de Services Canada pour s’assurer que la fraude n’est pas allée plus loin. C’est là qu’il a découvert le pot aux roses : deux demandes pour obtenir la PCU en juin et en juillet avaient été soumises en son nom.

« Si la personne avait juste ouvert un compte et n’avait pas fait de demande de carte de crédit, je ne sais même pas si j’aurais pu être au courant », s’inquiète Guillaume Joly.

PAR HASARD

L’expérience d’Alexandre Chevalier-Poirier a été semblable : c’est en consultant « par hasard » son dossier avec Services Canada qu’il a pu s’apercevoir de la fraude. Un peu trop tard, toutefois, puisque le premier versement de 2000 $ avait bien été versé dans un obscur compte de la banque Motus, en Ontario.

L’enseignant a dû répéter les éreintante­s démarches qu’il avait déjà faites en 2018 après un premier vol d’identité. Cette fois, il s’est rendu porter plainte dans un poste de police du quartier Rosemont. « Ils m’ont dit que je n’étais pas le seul, qu’une douzaine de personnes par jour venaient les voir concernant des demandes de PCU », relate-t-il.

Un enseignant de Repentigny, qui a préféré taire son nom par crainte de représaill­es de son employeur, s’est fait dire qu’il était « environ le 40e » à porter plainte relativeme­nt à une demande frauduleus­e pour la PCU. « [Les policiers] semblaient dire que c’est très fréquent, qu’ils ne traitent à peu près que de ça en ce moment », raconte-t-il, soulignant qu’il n’y a certaineme­nt pas que les enseignant­s qui sont visés.

« J’ai perdu complèteme­nt espoir de protéger mes données, de quelconque façon. Je sais que mon identité circule avec mon numéro d’assurance sociale », soutient-il.

Aussi récemment que jeudi, d’autres enseignant­s ont été informés, dans une lettre signée du sous-ministre adjoint Sylvain Périgny, que leurs informatio­ns personnell­es ont été compromise­s dans la fuite annoncée en février dernier. La fuite est attribuée à l’« utilisatio­n frauduleus­e » d’un mot de passe et d’un code d’accès au ministère.

 ?? PHOTOS AGENCE QMI, JOËL LEMAY ET ROGER GAGNON ?? Un fraudeur a ouvert un compte bancaire au nom de Guillaume Joly à la suite d’un vol d’identité. Sur cette image, on voit l’enseignant photograph­ié à Saint-Eustache, dans les Laurentide­s, hier.
PHOTOS AGENCE QMI, JOËL LEMAY ET ROGER GAGNON Un fraudeur a ouvert un compte bancaire au nom de Guillaume Joly à la suite d’un vol d’identité. Sur cette image, on voit l’enseignant photograph­ié à Saint-Eustache, dans les Laurentide­s, hier.

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