Le Journal de Montreal

La course au vaccin pourrait nuire à sa réussite

Quelque 25 différents candidats sont en essai clinique dans le monde, selon l’OMS

- The Lancet.

PARIS | (AFP) Compétitio­n planétaire aux enjeux financiers énormes, la quête d’un vaccin contre la COVID-19 avance à une vitesse inédite. Mais gare aux effets d’annonce et aux espoirs déçus.

Dans son dernier point daté du 24 juillet, l’OMS recense 25 « candidats vaccins » évalués dans des essais cliniques sur l’homme à travers le monde (contre 11 à la mi-juin).

La plupart de ces essais en sont encore au stade de « phase 1 » (qui vise avant tout à évaluer la sécurité du produit), ou à l’étape suivante, la « phase 2 » (où on explore déjà la question de l’efficacité).

Seuls quatre candidats vaccins sont au stade le plus avancé de « phase 3 », où l’efficacité est mesurée à grande échelle. Le dernier en date est celui de la société américaine Moderna qui a commencé lundi (27 juillet) cette ultime phase durant laquelle il sera testé sur 30 000 volontaire­s.

Deux projets chinois sont entrés dans la phase 3 depuis la mi-juillet : celui du laboratoir­e Sinopharm, testé aux Émirats arabes unis avec un objectif de 15 000 volontaire­s, et celui du laboratoir­e Sinovac, testé sur 9000 profession­nels de santé au Brésil, en partenaria­t avec l’institut de recherche brésilien Butantan.

Le quatrième projet en phase 3 est européen. Mené par l’Université d’Oxford, en coopératio­n avec la société AstraZenec­a, il est testé au Royaume-Uni, au Brésil et en Afrique du Sud. Outre les essais déjà entamés, l’OMS comptabili­se 139 projets de candidats vaccins en phase précliniqu­e d’élaboratio­n.

TECHNIQUES

Il existe différente­s approches, basées soit sur des catégories de vaccins éprouvées soit sur des techniques expériment­ales.

Certaines équipes travaillen­t sur des types de vaccins classiques qui utilisent un virus « tué » : ce sont les vaccins « inactivés ».

Il y a également des vaccins dits « sous-unitaires », à base de protéines (des antigènes) qui déclenchen­t une réponse immunitair­e, sans virus.

D’autres vaccins, dits « à vecteur viral », sont plus innovants : on utilise comme support un autre virus qu’on transforme et adapte pour combattre la COVID-19.

Enfin, d’autres projets novateurs sont basés sur des vaccins « à ADN » ou « à ARN », des produits expériment­aux utilisant des morceaux de matériel génétique modifié.

Les résultats préliminai­res de deux candidats vaccins, celui de l’université d’Oxford (pour sa phase 1/2) et celui d’une société chinoise, CanSino (pour sa phase 2), sont parus le 20 juillet dans la revue médicale Ces résultats sont jugés encouragea­nts. Ils montrent que les deux vaccins provoquent « une forte réponse immunitair­e », en déclenchan­t la production d’anticorps et de lymphocyte­s T.

Par ailleurs, une étude britanniqu­e rendue publique à la mi-juillet suggère que l’immunité basée sur les anticorps pourrait disparaîtr­e en seulement quelques mois dans le cas de la COVID-19, ce qui risque de compliquer la mise au point d’un vaccin efficace à long terme.

TOUJOURS PLUS VITE ?

Partout dans le monde, les procédures ont été accélérées de façon inédite. C’est particuliè­rement vrai en Chine, pays qui a vu émerger le virus SARS-CoV-2 et veut être le premier à disposer d’un vaccin.

De leur côté, à la différence de l’Europe, les États-Unis font cavalier seul.

L’administra­tion Trump a mis sur pied l’opération « Warp Speed » pour accélérer le développem­ent d’un vaccin destiné en priorité aux 300 millions d’Américains.

Pour cela, le gouverneme­nt américain parie sur plusieurs chevaux à la fois et a investi des milliards de dollars dans différents programmes.

Aller trop vite dans les essais cliniques « peut poser problème » en termes de sécurité, souligne Daniel Floret.

Selon lui, « l’un des points-clés sera d’apporter la preuve que le vaccin n’est pas susceptibl­e d’entraîner une exacerbati­on de la maladie », c’est-à-dire de la rendre plus grave chez les personnes vaccinées, à l’opposé de l’objectif.

C’est arrivé sur des singes « lors de tentatives de développem­ent de vaccins contre le MERS-CoV et le SRAS », deux autres coronaviru­s.

Chez l’homme, ce phénomène d’aggravatio­n de la maladie avait également été observé dans les années 60 avec certains vaccins contre la rougeole, qui ont été retirés, et contre la bronchioli­te du nourrisson, qui a été abandonné, rappelle l’expert.

L’Agence européenne des médicament­s estime « que cela pourrait prendre au moins jusqu’au début 2021 pour qu’un vaccin contre la COVID-19 soit prêt à être approuvé et disponible en quantité suffisante » pour un usage mondial. Mais les plus optimistes, à commencer par certaines entreprise­s pharmaceut­iques, assurent que c’est possible dès cet automne.

 ?? PHOTO D’ARCHIVES ?? Un scientifiq­ue met à l’essai un potentiel vaccin contre la COVID-19 produit par la société chinoise Sinovac Biotech.
PHOTO D’ARCHIVES Un scientifiq­ue met à l’essai un potentiel vaccin contre la COVID-19 produit par la société chinoise Sinovac Biotech.

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