Le Journal de Montreal

La clown est triste

- MADELEINE PILOTE-CÔTÉ Chroniqueu­se et humoriste

La récente vague de dénonciati­ons d’inconduite­s sexuelles, qui a notamment emporté l’humoriste Julien Lacroix et qui a ébranlé le milieu de l’humour, m’a amenée à réfléchir et à comprendre pourquoi j’ai décidé d’en prendre mes distances.

J’ai toujours rêvé de faire de l’humour. Dès l’âge de 5 ans, j’écoutais les galas Juste pour rire et j’espérais un jour être sur scène et faire partie de cette gang d’humoristes.

Je suis diplômée de l’École Nationale de l’Humour depuis 2017. J’y ai été admise à 18 ans. Dans ma cohorte, nous étions 4 filles et 10 gars.

J’étais loin de me douter alors que le prérequis pour avoir ma place était d’être one of the boys. Je pensais plutôt qu’il fallait juste être one of the humoristes.

SURVIVRE EN HUMOUR

Le problème, c’est qu’on demande aux femmes humoristes de répondre aux règles faites par les gars de ce fameux boys club composé d’humoristes établis ou de la relève, de professeur­s, de producteur­s, de bookers, de scripteurs et de tous les autres.

Rire aux jokes plates pour ne pas être exclue mêmes si elles rendent inconforta­ble, accepter de se faire reléguer à des rôles stéréotypé­s ou ne rien dire quand que des personnage­s féminins sont joués par des hommes parce que c’est dont bien drôle un gars avec une perruque… Avoir peur de dénoncer des comporteme­nts inacceptab­les de la part de collègues par crainte de ne plus être invitée à performer sur scène : je dis non.

C’est pour ces raisons que j’ai ressenti le besoin de m’éloigner de ce monde.

Je ne regrette pas mon choix. Ce que je déplore, c’est que des femmes en humour ne se sentent pas suffisamme­nt en sécurité pour prendre toute la place nécessaire à leur rayonnemen­t.

Nous avons un travail de société à faire, afin que les femmes ne soient plus obligées de rire jaune pour survivre dans le milieu de l’humour

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