Des CA de sociétés d’État blancs à 95 %
Le cabinet du premier ministre Legault souhaite faire en sorte qu’ils soient beaucoup plus représentatifs
Les minorités visibles sont encore quasi absentes des conseils d’administration de cinq sociétés d’État québécoises clés, a constaté Le Journal.
Au Québec, plus de 13 % de la population est issue des minorités visibles, soit de « personnes, autres que les Autochtones, qui ne sont pas de race ou de couleur blanche ».
Malgré cela, aucune d’entre elles ne siège au conseil d’administration (CA) de la SAQ ni de Loto-Québec. De leurs côtés, Investissement Québec (IQ), Hydro-Québec et la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) en comptent une seule à leur table.
Au total, sur ces 65 administrateurs de sociétés d’État, seulement trois sont donc issues des minorités visibles, soit 5 %, à peine mieux que l’an dernier ou le précédent, avec 2 %.
« Nous pouvons et devons faire mieux quant à la représentation des minorités visibles. C’est vrai pour [le personnel de] la SAQ, c’est vrai pour notre conseil d’administration également. Nous avons d’ailleurs amorcé le processus avec le poste à pourvoir présentement au sein de notre conseil d’administration », a reconnu au
la présidente du CA de la SAQ, Johanne Brunet.
Il reste encore « beaucoup d’efforts à faire pour atteindre des cibles pour plusieurs postes dans plusieurs réseaux. Les organisations doivent exercer un leadership pour corriger ces déficits de représentations », a pour sa part commenté au le président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Philippe-André Tessier.
Au cabinet du premier ministre, on dit qu’augmenter « la proportion de minorités visibles et de femmes au sein des sociétés d’État est une priorité pour le gouvernement du Québec », assure son attaché Ewan Sauves.
PAS D’ENTREVUE
Or, au cours des derniers jours, malgré nos demandes répétées, les présidents de conseil d’administration de ces sociétés d’État ont tous décliné notre demande d’entrevue.
Seules les présidentes du conseil d’administration de la SAQ ainsi que de Loto-Québec ont réagi par courriel.
« Nous avons déjà entamé des discussions et des démarches afin de pouvoir recommander l’intégration de membres issus de minorités visibles à notre conseil d’administration pour les prochains postes vacants », a affirmé la présidente du conseil d’administration de Loto-Québec, Hélène F. Fortin.
« Il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’une déclaration volontaire », a tenu à préciser pour sa part le porte-parole de la Caisse Serge Vallières.
Chez Investissement Québec (IQ), on note que ces nominations relèvent du gouvernement, et que leur représentativité « est prise en compte au même titre que les autres critères », selon sa porte-parole Catherine Salvail.
« REPRÉSENTATIVITÉ DÉFAILLANTE »
Pour le professeur et expert en éthique de l’UQAM Michel Séguin, la représentativité des minorités visibles est défaillante. « Toutefois, les études divergent quant à l’impact d’un CA diversifié sur la performance des entreprises », souligne-t-il.
Donald Riendeau, directeur général de l’Institut de la confiance dans les organisations (ICO), est d’avis que l’État a son rôle à jouer. « Il est peut-être temps que le gouvernement joue un rôle plus actif », plaide l’avocat.
« L’État a une responsabilité de représenter sa population, ce que n’ont pas les entreprises privées », pense également Rémy-Paulin Twahirwa, chercheur associé à l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS).
Au ministère du Conseil exécutif et au Secrétariat du Conseil du trésor, on reconnaît que la progression vers la représentativité est « lente ».
« Le gouvernement a d’ailleurs annoncé en mars dernier son souhait que les dispositions de la Loi sur la gouvernance des sociétés d’État s’appliquent à l’ensemble des sociétés d’État favorisant ainsi une plus grande représentativité au sein des CA », conclut le porte-parole Jean Auclair.