Le Journal de Montreal

EXPLOSION DU NOMBRE DE DEMANDES DE DIVORCE

Dommages collatérau­x de la pandémie

- CLARA LOISEAU Journal, Le

Les demandes de séparation ont doublé au Québec depuis le début de la pandémie de COVID-19 et il faut s’attendre à une deuxième vague tout aussi importante dès l’automne, selon plusieurs avocats spécialist­es.

« Ça fait 13 ans que je pratique et je n’ai jamais été aussi occupée que ça ! J’ai même été obligée de doubler les ressources humaines au bureau, parce qu’on n’arrivait pas [à répondre à la demande] », soutient Me Mylène Lemmel, spécialist­e en droit familial.

Les principaux facteurs de séparation dans un couple sont très souvent le stress occasionné par les enfants et l’argent, indique l’avocate.

Avec la fermeture des écoles, le télétravai­l ou la perte d’emploi, et l’anxiété causée par la pandémie, le coronaviru­s a créé un cocktail explosif pour de nombreux amoureux.

Résultat : les demandes de séparation ont doublé depuis le début de la crise, selon des spécialist­es du milieu consultés par

particuliè­rement chez les jeunes couples et les parents d’enfants en bas âge.

Pour Me Patrick Chalut, avocat en droit familial, civil et internatio­nal, et Me Annie Drapeau, avocate spécialist­e en droit familial, à certains moment, la demande a augmenté de 100% par comparaiso­n à avant la pandémie.

Me Drapeau trouve que le phénomène s’est d’ailleurs amplifié depuis deux ou trois semaines, en plein déconfinem­ent.

« Ce que je vois aussi, c’est qu’il y a beaucoup de gens qui étaient déjà séparés, mais là, ils veulent des documents juridiques de la cour qui officialis­e la séparation », explique-t-elle.

MÉDIATION

Outre les séparation­s, Me Chalut remarque aussi que la crise a augmenté les problèmes au sein de couples déjà séparés, notamment en ce qui a trait à la garde des enfants.

« Comme beaucoup de parents ne savaient pas comment réagir avec les mesures sanitaires comme la distanciat­ion, ça a créé beaucoup d’inquiétude et de conflits », explique-t-il.

Cela a eu comme effet d’augmenter aussi les demandes de médiation.

Par exemple, pour Me Lemmel, la médiation représenta­it environ 15 % de son temps de travail avant la crise. Aujourd’hui, cela représente près de 30 % de sa semaine.

DEUXIÈME VAGUE

Pour ces avocats, il n’y a pas de doute, il faut s’attendre à une deuxième vague de séparation­s cet automne.

« Financière­ment, les gens ont encore [en ce moment] de l’aide du gouverneme­nt. Mais quand ça va s’arrêter, là, il va y avoir des problèmes financiers et ça va créer des problèmes dans les couples et on va voir une nouvelle augmentati­on des séparation­s », estime Me Annie Drapeau.

Pour Geneviève Beaulieu-Pelletier, psychologu­e clinicienn­e et professeur­e associée à l’Université du Québec à Montréal, cette réflexion n’est pas surprenant­e.

« En ce moment, le fait qu’on est en vacances et qu’il fait beau, ça aide un peu, si je puis dire. Mais à l’automne, on aura plus cet effet vacances ! Les soucis financiers et le casse-tête de l’école vont recommence­r. Alors, on peut s’attendre à ce que ça cause plus de stress et donc plus de conflits dans les couples », pense-t-elle.

PROCÉDURE RAPIDE

Malgré la demande et la crise, le processus de séparation reste tout de même très rapide.

Principale­ment parce que le ministère de la Justice a dû s’adapter et changer ses procédures.

« Le fonctionne­ment de la cour est beaucoup plus efficace, car tout a été numérisé et tout se fait par internet, on n’a plus à se déplacer », explique Me Drapeau.

« QUAND ÇA VA S’ARRÊTER [L’AIDE DU GOUVERNEME­NT], LÀ, IL VA Y AVOIR DES PROBLÈMES FINANCIERS ET ÇA VA CRÉER DES PROBLÈMES DANS LES COUPLES ET ON VA VOIR UNE NOUVELLE AUGMENTATI­ON DES SÉPARATION­S »

– Me Annie Drapeau

 ?? PHOTO JEAN-FRANÇOIS DESGAGNÉS ?? L’avocate Annie Drapeau, dans son bureau, chez Labrecque Doyon Avocat, à Québec.
PHOTO JEAN-FRANÇOIS DESGAGNÉS L’avocate Annie Drapeau, dans son bureau, chez Labrecque Doyon Avocat, à Québec.

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