Le Journal de Montreal

Derrière le complotism­e

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ Blogueur au Journal mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com @mbockcote

Les derniers mois auront favorisé la remontée à la surface de la vie sociale de courants idéologiqu­es que l’on avait tendance à croire marginaux.

Parmi ceux-là se trouve le fameux conspirati­onnisme. On le constate avec étonnement, bien des Québécois adhèrent aux théories les plus abracadabr­antesques à propos de la COVID-19.

Ils ne se contentent pas de remettre en question la gestion de la crise à l’échelle nationale, fédérale ou internatio­nale.

Ils ne se contentent pas de douter de certaines mesures sanitaires.

Ils ne se contentent pas de dire que les médias donnent peut-être trop d’importance aux cas tragiques, ce qui favorisera­it l’entretien d’un climat de peur dans la population.

DÉMOCRATIE Ils ne se contentent pas de dire que la COVID ne leur fait pas peur, comme s’ils étaient prêts à prendre le risque de l’attraper à n’importe quel moment pour retrouve les charmes et l’insoucianc­e de la vie d’avant.

NON.

Ils croient, ou veulent croire, que la pandémie n’existe pas, ou mieux encore, qu’elle a été provoquée délibéréme­nt par quelques puissances désireuses de l’instrument­aliser pour effrayer la population mondiale et la soumettre à une forme inédite de dictature sanitaire.

Plusieurs croient ce complot piloté par Bill Gates. Y participer­aient aussi l’ONU et l’OMS. Et généraleme­nt, dans ce vilain complot, on en vient à accuser Horacio Arruda d’en être l’organisate­ur au Québec.

Je n’entends pas revenir sur chacune de ces affirmatio­ns – j’aurais l’impression de devoir parler à un homme convaincu que la Lune est un fromage flottant dans l’univers et la Terre une boule de crème glacée.

Mais il faut se demander de quoi la multiplica­tion de ces théories est le symptôme. Et la réponse frappe : on y verra le signe d’un discrédit général des grandes institutio­ns, qu’elles soient médiatique­s ou gouverneme­ntales.

La multiplica­tion de ces théories, qui trouvent sur les médias sociaux un lieu de proliférat­ion privilégié, témoigne d’un sentiment d’impuissanc­e devant le cours des choses. Elle s’alimente de l’impression, fondée, celle-là, que l’histoire contempora­ine échappe au commun des mortels et que les grandes puissances publiques et privées qui mènent le monde ont tendance à se ficher des peuples et de leurs préférence­s.

La mondialisa­tion, dans toutes ses dimensions, a moins été désirée par les peuples occidentau­x qu’elle ne s’est imposée à eux depuis les années 1990.

Dès lors, on cherche des responsabl­es, peut-être même des coupables, ce qui peut se comprendre, jusqu’à en perdre la raison, ce qui est regrettabl­e.

COMPLOT

La théorie du complot a aussi la prétention de redonner du sens aux événements, même si ce sens peut paraître insensé. Derrière le chaos qui s’impose, elle veut voir un ordre supérieur qui s’impose de manière quasi diabolique. Derrière les événements qui nous échappent et se contredise­nt, elle croit dégager une explicatio­n simple, qu’il suffirait d’ouvrir son esprit pour comprendre.

Une chose semble certaine toutefois : la période post-covidienne devra être consacrée à une reconstruc­tion de la confiance des peuples en leurs institutio­ns. On ne peut pas leur demander une confiance aveugle. Les dirigeants devront la mériter.

 ??  ??
 ??  ?? Le conspirati­onnisme est un symptôme
Le conspirati­onnisme est un symptôme
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada