Le Journal de Montreal

Des amendes pour freiner la pornograph­ie juvénile

- FRÉDÉRIQUE GIGUÈRE

Cette solution serait plus efficace, car les policiers ont peu de moyens sur le web

Les géants du web qui hébergent de la pornograph­ie juvénile devraient recevoir de faramineus­es amendes afin d’éradiquer ce fléau, car les policiers ont peu de moyens actuelleme­nt pour intervenir, estiment des experts en la matière.

« Il faut agir immédiatem­ent, c’est devenu un problème de santé publique, lance la sexologue pour enfants et adolescent­s Stéphanie Houle. Je le vois au quotidien ce que la pornograph­ie fait aux enfants : de la détresse, des traumatism­es et des jeunes pris dans des dynamiques de violence sexuelle. On doit absolument restreindr­e l’accessibil­ité à ce type de contenu, c’est devenu quasiment banal et c’est un grave problème. »

À la suite de la publicatio­n, lundi, de l’histoire d’Alexandre Pilon, qui a confié au Journal avoir découvert qu’une page montrant des enfants abusés suivait le compte Instagram de son fils de 9 ans, de nombreuses questions ont été soulevées.

La solution pourrait-elle simplement passer par une loi plus sévère envers les entreprise­s qui permettent la diffusion de pornograph­ie juvénile ?

POLICIERS SANS OUTILS

Selon la criminolog­ue Maria Mourani, un durcisseme­nt de la réglementa­tion permettait aux autorités de faire leur travail plus efficaceme­nt.

« Présenteme­nt, on demande aux policiers de jouer au shérif et de trouver les pédophiles sur internet, mais on ne leur donne aucun outil pour le faire, croit-elle. On doit obliger les Facebook et compagnie à prendre leurs responsabi­lités. Il faut les forcer à développer des technologi­es pour éviter que de la pornograph­ie juvénile soit mise en ligne, sans quoi on leur donne des amendes très, très salées. »

Encore traumatisé par les images sur lesquelles il est tombé, Alexandre Pilon croit aussi que la seule façon de protéger les enfants est de punir les géants du web.

« Si tous les pays les forçaient à payer de grosses amendes, peut-être auraient-ils envie d’investir pour trouver une façon d’assurer une meilleure vigie », se questionne le père de famille montréalai­s.

Outré du fait que la possession et la production de pornograph­ie juvénile soient les crimes qui augmentent le plus depuis 10 ans au Canada, le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu estime que la politique est en retard dans le domaine.

« Les policiers font un excellent travail en fonction des outils qu’ils possèdent, dit-il. Mais il faudrait que le politique ait une bonne réflexion sur le sujet et je crois que des mesures encore plus coercitive­s à l’égard des grands fournisseu­rs afin de les rendre imputables seraient une bonne piste de solution. »

PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE

Or, selon le criminalis­te Jean-Claude Hébert, la modificati­on de la loi présenteme­nt en vigueur ramènerait au coeur de l’actualité le bon vieux débat qui oppose l’aspect juridique et la protection des renseignem­ents personnels.

« Certains pourraient dire qu’il n’appartient pas aux fournisseu­rs de censurer et de jouer à la police, explique-t-il. Où doit-on tracer la ligne entre la sécurité des enfants et le respect de la vie privée des usagers du web ? »

 ?? PHOTO CHANTAL POIRIER ?? Encore horrifié des images qu’il a consultées bien malgré lui, Alexandre Pilon a raconté au Journal plus tôt cette semaine avoir découvert qu’un compte de pornograph­ie juvénile suivait la page Instagram de son fils de 9 ans. Il a porté plainte à la police.
PHOTO CHANTAL POIRIER Encore horrifié des images qu’il a consultées bien malgré lui, Alexandre Pilon a raconté au Journal plus tôt cette semaine avoir découvert qu’un compte de pornograph­ie juvénile suivait la page Instagram de son fils de 9 ans. Il a porté plainte à la police.

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