Le pari du masque à l’école
Le gouvernement Legault annoncera vraisemblablement lundi qu’il imposera le port du masque dans les écoles secondaires à la rentrée. Est-ce nécessaire ? On peut en douter. Des experts de santé publique lui recommandent de le faire, mais il y a un risque d’effets pervers.
Selon le plan présenté en juin par le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, les élèves du secondaire seront regroupés dans des « bulles » de six personnes, qui n’auraient pas à respecter de distanciation. Ces sous-groupes devront être à 1 mètre seulement les uns des autres, et l’ensemble du groupe à 2 mètres de l’enseignant. Parce que, disait-on, les jeunes ne sont pas considérés comme des vecteurs importants de contagion. Depuis, des choses ont changé. Après un plancher de 55 nouveaux cas au Québec le 5 juillet, une recrudescence de COVID a été observée, dans la métropole et autour. Le gouvernement a ensuite imposé le port du masque obligatoire dans les lieux publics fermés, depuis le 18 juillet, pour toute personne de 12 ans et plus.
Le directeur de santé publique, Horacio Arruda, a pointé certains rassemblements privés de jeunes. La vice-première ministre, Geneviève Guilbault, a aussi lancé un appel à la cohorte des 15-39 ans.
Le port du masque à l’école constituera un défi
MYSTÈRE QUÉBEC ?
Pourtant, depuis des semaines, la hausse des nouveaux cas quotidiens du côté de Québec oscille entre zéro et dix.
Comment explique-t-on que les vacances et les rassemblements permis n’aient pas entraîné la même hausse que celle observée à Montréal ? Au CIUSSS de la Capitale-Nationale, l’adjoint médical à la direction de la Santé publique, Jacques Girard, avance une « forte adhésion » aux consignes, en admettant du même souffle qu’il n’y a pas eu de variation notable de cas avant et après l’obligation du port du masque.
Il serait étonnant que l’insouciance et le sentiment d’invincibilité qui caractérisent la jeunesse se soient arrêtés en chemin sur l’autoroute 20 pour épargner la Capitale !
Comme depuis le début de la pandémie, le coronavirus circule forcément moins dans plusieurs régions, même quand des jeunes se côtoient.
Le Dr Girard signale que malgré tout, la santé publique préfère en toute cohérence que les ados de 12 ans et plus portent le masque dans les aires communes intérieures de l’école à la rentrée, comme on leur demande de le faire
ET LA MANIPULATION
Mais on voit déjà la scène : les jeunes ados qui portent le masque dans l’autobus, le retirent pour jaser dans la cour d’école, le remettent dans les corridors de l’établissement, le retirent à l’intérieur de leur classe, le remettent pour se rendre à leur cours d’éducation physique, où ils vont à nouveau l’enlever, etc.
Il va y avoir des masques qui vont traîner sur des tables. Qui seront pliés maladroitement dans des poches de pantalon. Laissés dans le fond d’un sac. On multipliera les occasions de mauvaise manipulation. C’est à se demander si les jeunes ne risquent pas davantage de s’infecter en mettant leurs mains sur le bout de tissu.
Exactement comme Horacio Arruda en avait fait la démonstration avec moult simagrées, en conférence de presse, à l’époque où il n’encourageait pas le port du masque.
« Oui, le couvre-visage peut emmener un effet collatéral non désirable si les autres mesures d’accompagnement ne sont pas présentes, c’est un fait […] On est conscient qu’avec les ados, comment ça va se vivre, on est quand même préoccupé par cette question-là », reconnaît le Dr Girard.
La santé publique songe à lancer une campagne, impliquant des influenceurs, pour rappeler aux jeunes comment manipuler le masque.
Chose certaine, de façon générale, le gouvernement en serait probablement venu à obliger le port du masque en cas de deuxième vague importante à l’automne. En ce sens, le fait d’avoir habitué les Québécois immédiatement, pendant l’accalmie estivale, peut se révéler une bonne stratégie.