Il faut qu’on parle de Donald
« Faites don’ des textes sur Trudeau, à’ place ! »
Ça, c’est le commentaire que n’importe quel chroniqueur reçoit à d’innombrables reprises, chaque fois qu’il publie un papier qui parle de Donald Trump. Une approche populaire chez les adeptes du président américain, celle du « whataboutism ». Les vieux communistes faisaient ça aussi quand on leur parlait des exactions de Staline ou de Mao. « Qu’en est-il de Franco ? De Pinochet ? »
La vérité, c’est que l’on parle beaucoup plus de Justin Trudeau que l’on parle de Donald Trump. Depuis le 1er juillet, les chroniqueurs du Journal ont publié 22 textes portant sur le président des États-Unis. Sur le premier ministre du Canada, on en a fait 41.
Et pour répondre à la question de base, à savoir pourquoi on parle autant de Donald, voici un exemple bien concret et tangible : sa décision d’imposer des tarifs douaniers de
10 % sur l’aluminium canadien. Ça équivaut à une taxe de 3,6 milliards sur nos exportations.
PAS AUTOSUFFISANTS
L’aluminium, ça représente près de 10 000 emplois directs au Québec, dans des régions comme le Saguenay–Lac-Saint-Jean et la Côte-Nord. En imposant ces tarifs, Donald Trump rend notre production moins compétitive par rapport à celle qui vient de Russie, de Chine, d’Inde ou des Émirats arabes unis.
Parce que... oubliez ça si vous pensez que la décision de Trump aidera l’économie américaine. Les États-Unis ne sont pas autosuffisants. Il se produit deux fois et demie plus d’aluminium au Canada que chez nos voisins du Sud, qui sont par ailleurs nos principaux acheteurs. De sorte que ce sont les entreprises américaines qui devront payer les tarifs imposés ou encore se tourner vers des fournisseurs provenant d’États rivaux.
Ce n’est pas pour rien que le milieu des affaires américain condamne luimême ces tarifs imposés et supplie le président de les annuler. Ça n’aidera personne.
CONTRE-PRODUCTIF
En annonçant ces nouveaux tarifs, Donald Trump a dit qu’il n’avait pas d’autre choix que de les imposer, parce que « le Canada profitait encore des États-Unis ». Dans l’esprit du prétendu deal maker, une bonne entente ne peut pas être gagnant-gagnant. Il faut nécessairement que quelqu’un abuse de quelqu’un d’autre.
C’est une rupture avec l’esprit du libre-échange, qui devait pourtant avoir été enchâssé dans le nouvel Accord Canada–États-Unis–Mexique: dans un marché commun, on présume que l’intérêt de chacune des parties est aussi le nôtre. Autrement dit, quand certaines pièces franchissent 6 ou 7 fois la frontière sous différentes formes avant d’être posées sur une auto, tout le monde est conscient que faire payer des taxes à chaque passage est contre-productif.
INSTABLE ET MENTEUR
C’est pour ça qu’il faut qu’on parle de Donald. Parce que notre principal partenaire commercial évolue présentement sous la gouverne d’un individu instable, qui se targue lui-même de prendre des décisions fondées sur son instinct plutôt que sur l’analyse de données. Parce qu’il s’est déjà vanté ouvertement de mentir sur les chiffres d’import-export entre le Canada et les États-Unis.
Parce que ça fait mal à son peuple, qui a perdu pour longtemps sa réputation de partenaire fiable. Et parce que ça nous coûte des jobs à nous aussi. Parce que ça nous affaiblit tous par rapport à nos concurrents.
Voilà pourquoi on fait des textes sur Trump, même si on va continuer d’en faire plus sur Trudeau.
Oubliez ça si vous pensez que la décision de Trump aidera l’économie américaine