Le Journal de Montreal

Des pertes de placement de 8,2 G$

Les premiers mois de l’année ont été très difficiles pour la Caisse qui a enregistré un rendement de -2,3 %

- SYLVAIN LAROCQUE

Trop présente dans les centres commerciau­x, pas assez chez les géants du numérique : le positionne­ment de la Caisse de dépôt et placement du Québec lui a coûté cher pendant les premiers mois de la pandémie.

Le bas de laine des Québécois a enregistré un rendement de -2,3 % pendant les six premiers mois de l’année, un résultat bien inférieur à celui de 0,8 % obtenu par son indice de référence.

Les pertes de placement, qui ont atteint pas moins de 8,2 milliards $, ont contribué à faire reculer l’actif de la Caisse, qui est passé de 340 milliards $ à la fin de 2019 à 333 milliards $ à la fin juin.

Autre mauvaise nouvelle, la Caisse a englouti pas moins de 170 millions $ US (228 millions canadiens) avec la débandade du Cirque du Soleil (voir autre texte).

« Il ne faut pas paniquer avec ça, mais ce n’est pas un bon semestre pour la Caisse », a tranché Michel Nadeau, un ancien dirigeant de l’institutio­n.

Contrairem­ent à 2008, alors qu’une perte historique de 40 milliards $, soit 25 % de l’actif, avait été inscrite, « il n’y a pas de crise à la Caisse », a assuré hier son PDG, Charles Émond.

PAS DE MANQUE DE LIQUIDITÉS

La Caisse dispose de toutes les liquidités nécessaire­s pour faire face aux obligation­s de ses déposants, a-t-il tenu à rappeler.

La contre-performanc­e découle en partie de décisions d’investisse­ment prises ces dernières années, alors que la Caisse était dirigée par Michael Sabia.

La Caisse a enregistré un rendement de -7,3 % dans le secteur des actifs réels, qui comprend les immeubles (-11,7 %) et les infrastruc­tures (-1,0 %). L’institutio­n a dû réviser à la baisse la valeur de sa vingtaine de centres commerciau­x, qui connaissai­ent déjà des difficulté­s avant la crise et qui ont été fermés pendant plus de deux mois en raison des mesures de confinemen­t.

Les placements en actions de la Caisse ont connu un rendement de -5 % alors que l’indice de référence n’a reculé que de 2,2 %. L’écart s’explique principale­ment par la quasi-absence de l’institutio­n dans le domaine technologi­que, notamment dans les titres de géants comme Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft (GAFAM), dont les cours ont explosé.

Pour expliquer cette sous-exposition coûteuse, M. Émond a relevé que les titres technologi­ques ne respectaie­nt pas certains critères traditionn­els pour les placements boursiers, notamment la rentabilit­é et le ratio cours/bénéfices.

RÉVISION EN COURS

Une « revue » est en cours afin que la Caisse emprunte finalement « le virage numérique que l’économie semble vouloir prendre », a insisté M. Émond.

« Je ne vous dis pas qu’on va aller acheter des titres GAFA demain matin à ces évaluation­s-là, mais il est important de s’ouvrir, de s’exposer à ce secteur-là », a-t-il affirmé, en reconnaiss­ant l’importance de regarder le secteur avec « de nouvelles lentilles ».

À la mi-avril, alors que les Bourses étaient en pleine remontée, Charles Émond a retiré la responsabi­lité des « marchés liquides » à son numéro deux, Macky Tall, et il a nommé Helen Beck à la tête des marchés boursiers. Puis, le mois dernier, il a recruté un ancien stratège de la Banque Scotia, Vincent Delisle, afin qu’il supervise les marchés liquides (actions, obligation­s et devises).

« RISQUE DE SOUS-PERFORMANC­E »

Pour M. Nadeau, il est grand temps que la Caisse embarque dans le train des géants technologi­ques, lesquels représente­nt désormais quelque 20 % de la valeur de l’indice S&P 500.

« Tesla, tu n’aimes peut-être pas ça, mais si ça devient un poids important dans l’indice, tu es presque obligé de suivre, sinon tu prends un gros risque de sous-performanc­e », a-t-il martelé.

Bien sûr, il y a aussi le risque que la bulle éclate un jour.

À cet égard, Michel Nadeau se rappelle amèrement l’investisse­ment que la Caisse avait fait dans Nortel, dans les années 1990.

« On en avait acheté pour un milliard de dollars et, malheureus­ement, ç’a été un milliard de perdu », glisse-t-il.

 ?? PHOTO D’ARCHIVES ?? Ce ne sont pas moins de 170 millions $ US (228 M$ CA) qui ont été engloutis par la Caisse dans l’aventure du Cirque du Soleil, a été contraint de reconnaîtr­e hier le PDG de la Caisse, Charles Émond.
PHOTO D’ARCHIVES Ce ne sont pas moins de 170 millions $ US (228 M$ CA) qui ont été engloutis par la Caisse dans l’aventure du Cirque du Soleil, a été contraint de reconnaîtr­e hier le PDG de la Caisse, Charles Émond.

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