Le Journal de Montreal

De retour sur le chemin de la liberté

- KARINE GAGNON Chroniqueu­se politique karine.gagnon@quebecorme­dia.com

Au terme de quatre ans et demi d’un processus judiciaire où elle a eu l’impression de gravir l’Everest, Nathalie Normandeau entend maintenant se reconstrui­re et retrouver sa « vie d’avant son arrestatio­n ».

Au petit matin du 17 mars 2016, Nathalie Normandeau était arrêtée chez elle par les enquêteurs de l’Unité permanente anticorrup­tion. Emmenée au poste de la SQ, rue des Rocailles, celle qui a toujours clamé son innocence a été interrogée pendant des heures. Son monde venait de s’écrouler.

« Je m’apprête à gravir l’Everest. Je vais le faire une étape à la fois et je vais réussir. Je vais me battre comme jamais je ne me suis battue », m’avait confié le lendemain celle avec qui je collaborai­s à la radio.

Cette métaphore de l’Everest, elle l’a utilisée, car elle était consciente que d’immenses obstacles s’en venaient, analyse aujourd’hui l’ex-politicien­ne, pour qui un monstre a fait irruption dans sa vie, en 2016.

« Ç’a définitive­ment été le plus grand combat de ma vie », souffle la principale concernée à l’autre bout du fil.

PROCHES AFFECTÉS

À l’époque, Nathalie Normandeau était une animatrice de radio bien en vue à Québec. Elle avait un nouvel amoureux, avait quitté Montréal pour s’installer à Québec, et venait de signer pour l’achat d’une nouvelle maison. Elle était « sur son X ».

« L’UPAC est arrivée et m’a coupé les ailes, littéralem­ent, dit-elle. Ç’a été l’horreur, en fait. »

Aussitôt qu’elle a appris, lundi, que le DPCP ne ferait pas appel, Nathalie Normandeau a téléphoné à sa mère en Gaspésie.

Ses parents ont vécu avec difficulté « ce périple judiciaire », un chemin de croix qu’elle ne souhaite pas à son pire ennemi. L’ex-politicien­ne a beaucoup souffert en silence, pour ne pas inquiéter ses proches, mentionne-t-elle.

Mais elle est bien consciente aussi de toute la tristesse, la colère et l’indignatio­n qui les a également affectés. « Tous les sentiments que j’ai vécus, ils les ont vécus eux aussi. »

Certains croient que Nathalie Normandeau s’en sort plutôt bien, puisque le procès n’aura pas lieu.

Elle réplique que vivre pendant quatre ans et demi avec des accusation­s criminelle­s, sans jamais avoir pu donner sa version aux enquêteurs de l’UPAC, « c’est loin d’être une sinécure ».

« Même si j’avais été acquittée, il y a des gens qui auraient continué à avoir un doute, dit-elle […] Il y a des stigmates qui vont demeurer longtemps… Je ne suis pas dans un monde de Calinours. Je suis consciente qu’il y a des gens qui vont toujours porter un regard désapproba­teur sur moi, mais ça fait partie de la vie. »

Sans fortune personnell­e, elle avait accumulé un fonds de retraite, mais a dû augmenter sa marge de crédit « dans les six chiffres » pour assurer sa défense. Elle n’aurait d’ailleurs jamais cru que ce soit aussi long.

« Ce n’est pas humain, c’est cruel […] On m’a traitée comme si j’étais un paria. Je suis devenue l’ex-ministre toxique à qui on ne veut pas parler, de qui on ne peut plus s’approcher. »

MAIRIE DE QUÉBEC

Les anciens élus sont unanimes : il est difficile de refaire sa place après la politique. Mme Normandeau avait réussi. Elle espère maintenant retrouver ses repères, en dépit de la colère qui persiste. Elle se montre ouverte à bien des possibilit­és. « Je ne vais pas laisser ce qui m’est arrivé me définir, je vais défendre ça toute ma vie », dit celle qui renonce à se présenter à la mairie de Québec, où plusieurs l’imaginaien­t.

Pour ma part, j’aime à penser que ce n’est que partie remise.

« Ce n’est pas humain, c’est cruel […] On m’a traitée comme si j’étais un paria. »

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