Un gâchis monumental
On dirait un très mauvais roman policier doublé d’une intrigue politique épaisse comme un brouillard londonien. Le gâchis monumental de l’Unité permanente anticorruption (UPAC), sous son ex-patron Robert Lafrenière, dépasse pourtant la fiction.
Créée en 2011 par Jean Charest, alors premier ministre et chef du PLQ, l’UPAC devait « rétablir la confiance » des Québécois face aux allégations de corruption entourant le gouvernement de M. Charest. Comme échec, c’est dur à battre.
Qu’un premier ministre ait créé luimême une unité policière et nommé son patron pour enquêter sur sa propre formation politique était déjà suffisamment troublant. La suite le serait encore plus.
À de rares exceptions près, l’ère Lafrenière s’est terminée sur de multiples queues de poisson. Y compris son interminable enquête Mâchurer sur le financement du PLQ, ses mystérieuses fuites médiatiques, ses règlements de compte internes et un climat de travail réputé « pourri ».
Même le conflit ouvert entre Robert Lafrenière et le député libéral Guy Ouellette a dégénéré jusqu’à l’arrestation gratuite de ce dernier. Rien d’étonnant à ce que M. Ouellette ait comparé M. Lafrenière au directeur du FBI J.
Edgar Hoover – connu jadis pour les dossiers secrets qu’il montait sur des politiciens, au cas où.
DU SPECTACLE
Et qui peut oublier l’arrestation spectaculaire par l’UPAC de l’ex-ministre libérale Nathalie Normandeau et d’autres accusés ?
Soit le jour même, en mars
2016, du budget du gouvernement Couillard.
Depuis, selon plusieurs, la manoeuvre aurait surtout permis à M. Lafrenière de forcer la main de Philippe Couillard pour le reconduire à la tête de l’UPAC pour un second mandat.
Maintenant libre de toute poursuite, Mme Normandeau pointe l’ex-patron de l’UPAC pour la même raison. Depuis hier, elle répète sur toutes les tribunes que le gouvernement Couillard préférait d’autres candidats à Robert Lafrenière.
D’où son coup d’éclat le jour du budget. Réussi, par ailleurs, puisque M. Couillard l’a renommé. Robert Lafrenière aurait-il été plus « puissant » que le premier ministre lui-même ? La question, malheureusement, se pose.
SILENCE
Or, comme pour l’entièreté de l’obscur régime Lafrenière, en guise d’explications, les Québécois devront se contenter d’un silence assourdissant.
Depuis sa démission le 1er octobre 2018 – cette fois-là, le jour de la victoire électorale de la CAQ –, Robert Lafrenière ne s’est justifié de rien.
Sauf un mois plus tard, pour dire en entrevue qu’il avait été fatigué. Ou cet automne, pour se décrire comme « un joyeux retraité ».
Impossible d’imaginer ailleurs en Occident une telle saga politico-policière accoucher d’un vide aussi pitoyablement sidérant.
Pis encore, Jean Charest réclame maintenant plus d’un million de dollars au gouvernement actuel (donc, aux contribuables) pour les fuites médiatiques de l’UPAC (donc, de sa propre créature), dont il aurait été l’objet.
Bien entendu, l’ex-chef libéral a tous les droits et les moyens de le faire. Après tout, la morale de toute l’histoire depuis ses débuts est justement qu’elle n’en a aucune.
Une fois de plus, les Québécois semblent bien en voie de finir en dindons de la farce.