Avant de devenir le grand patron, il faut avoir travaillé sur le plancher
Des milliers d’entrepreneurs devront vendre leur entreprise à la relève
Parmi les 40 000 entreprises qui devront changer de mains d’ici deux ans pour survivre, certaines ont déjà passé le flambeau, comme le fabricant de vitres brevetées Unicel Architectural.
« Si tu prends tes enfants, tu leur donnes un gros salaire et tu les mets boss, tu ne leur rends pas service parce qu’ils n’auront pas le respect des employés. Pour gagner le respect des autres, faut que tu commences par te lever les manches et que tu travailles à l’usine », lance Jean-François Couturier, patron d’Unicel Architectural, un fabricant de vitres brevetées pour hôpitaux de la Rive-Sud de Montréal.
Fondée en 1964, la PME de près d’une centaine d’employés a son siège socialusine à Longueuil et une deuxième usine à Portneuf, près de Québec. Son produit vedette est une unité de verre scellée brevetée, qui ressemble à un rideau coincé entre deux vitres, qui fait le bonheur du milieu hospitalier.
« On a vendu ce produit-là dans près de 1000 hôpitaux aux États-Unis et à travers le monde. Au Québec, on a fait le nouveau pavillon de l’hôpital Sainte-Justine ou de Saint-Jean-sur-le-Richelieu », souligne avec fierté son fils Vincent Couturier, 30 ans, directeur des opérations.
Unicel Architectural a d’importants clients aux États-Unis, mais aussi au Mexique, aux Émirats arabes unis, en Finlande et en Asie.
« On fait aussi des structures d’aluminium et de bois architecturales. À l’hôpital SacréCoeur, le projet inclut à la fois nos structures d’aluminium et nos produits de vitrage spécialisés », souligne le beau-fils de Jean-François Couturier, Samuel Doyon-Bissonnette, 30 ans, qui développe les produits.
PRÉPARATION
Quand on demande à Jean-François Couturier comment il a réussi à passer le flambeau, il répond que son fils et son beaufils sont passés par le Collège Brébeuf, l’Université McGill et l’École d’Entrepreneurship de Beauce.
« Le secret, c’est qu’ils ont dû commencer à la base et apprendre les rudiments du métier », insiste l’homme de 61 ans, qui a été épaulé par Desjardins Capital dans la transaction.
« Quand on rentre majoritaire à l’actionnariat, ce n’est pas pour commencer à opérer l’entreprise et prendre la place des équipes, qui font déjà très bien leur travail, il faut être là en accompagnement », analyse Yves Calloc’h, chef de l’exploitation de Desjardins Capital.
« Ça fait partie de notre ADN de tout faire pour garder ces entreprises-là au Québec », poursuit celui qui s’est joint à l’équipe de Desjardins Capital en 2006.
Pour Vincent Lecorne, PDG du Centre de transfert d’entreprise du Québec (CTEQ), qui aide les propriétaires-dirigeants d’entreprise à trouver un repreneur, la crise sanitaire actuelle vient brouiller les cartes.
« Certains vont continuer, d’autres vont retarder le transfert, ou l’accélérer, mais d’autres vont abandonner, et mettre la clé sur la porte », s’inquiète-t-il.
Selon lui, mieux vaut préparer le coup. « La crise leur rentre dedans. Ç’a un impact énorme sur leur décision. Soit ils font un pas en avant et vendent peut-être à perte, soit ils font un pas en arrière et attendent, mais combien de temps ? Qui sait quand cette crise-là va finir ? », se demande-t-il.
« POUR GAGNER LE RESPECT DES AUTRES, FAUT QUE TU COMMENCES PAR TE LEVER LES MANCHES ET QUE TU TRAVAILLES À L’USINE » – Jean-François Couturier, fondateur d’Unicel Architectural