Le Journal de Montreal

On se crache dans les mains, pis on recommence !

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com

J’avais 15 ans en 1995 et je rêvais de tout mon coeur à l’indépendan­ce de mon peuple. À ma demande, mes parents me conduisaie­nt au comité local du Oui pour que je puisse y militer. J’y croyais.

Je me souviens de la défaite. J’étais effondré. Quand j’y pense, 25 ans plus tard, j’en pleure encore.

Cette histoire m’habite. Je ne sais combien de fois j’ai visionné les quelques documentai­res qui nous racontent cet épisode. J’ai lu tous les livres sur le sujet. Je cherche à comprendre. Pourquoi ce qui aurait dû aller de soi n’est pas arrivé ?

Je pense à l’alliance entre Jacques Parizeau, Lucien Bouchard et Mario Dumont. Je les admirais les trois. Je les admire encore. Ils représenta­ient chacun un chemin vers le pays. Jamais l’indépendan­ce n’avait rassemblé une telle coalition.

COALITION

Au fond de moi-même, je ne comprends pas qu’un Québécois n’embrasse pas l’indépendan­ce. Cela me semble existentie­llement incompréhe­nsible. L’indépendan­tisme est l’expression pleinement assumée de notre instinct vital.

À l’étranger, quand on me traite de canadien, je réagis toujours vivement, et j’inflige à mon pauvre interlocut­eur une leçon d’histoire. Je lui explique qui nous sommes. Que nous résistons. Et qu’un jour, nous gagnerons. J’ai infligé cette conversati­on à je ne sais combien de chauffeurs de taxi, de serveurs, de vendeurs, dans une campagne référendai­re permanente un peu vaine !

Je suis hanté, je le confesse, par la possible disparitio­n de notre peuple, par sa condamnati­on à un destin folkloriqu­e, par la possibilit­é, bien réelle, que nous devenions minoritair­es dans notre propre pays. Je redoute le jour où la démographi­e rendra l’indépendan­ce impossible. Ceux qui sont insensible­s à ce souci me semblent suicidaire­s.

1995 aurait dû être un aboutissem­ent. Ce fut un avortement. L’indépendan­ce devait advenir et elle ne s’est pas faite. C’est la grande occasion manquée de notre histoire.

Au fond d’eux-mêmes, les Québécois ne sont pas fiers de 1995.

Mais les Québécois savent aussi qu’ils auront une dernière chance.

On le sent, le mépris du Québec est de nouveau à la mode. On nous accuse de ne pas être assez modernes et ouverts. En fait, on nous reproche tout simplement d’exister. Nous sommes de trop chez nous.

L’indépendan­ce est une question d’honneur. Nous ferons l’indépendan­ce pour que le combat des génération­s passées ne soit pas vain. Avons-nous vraiment fait tout ce parcours pour finir comme une minorité empaillée dans le musée du multicultu­ralisme canadien ?

INDÉPENDAN­CE

Nous la ferons, parce que c’est une question de survie culturelle, mais aussi parce qu’elle nous grandira, et nous donnera le socle d’un plein épanouisse­ment.

Il était une fois le Québec libre. C’était le plus beau des rêves. Il peut renaître. Il y a de la place dans le monde pour un pays nommé Québec.

Le 30 octobre 1995, Jacques Parizeau a mal pris la défaite. Mais il a dit autre chose. « On se crache dans les mains, pis on recommence » ! Oui, un quart de siècle plus tard, il est temps de recommence­r.

Les Québécois ne sont pas fiers de 1995

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Mario Dumont, Jacques Parizeau et Lucien Bouchard en 1995
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