Le Journal de Montreal

L’extrême droite se répand jusqu’ici

Le concept anecdotiqu­e au départ représente maintenant une importante menace de sécurité au Canada

- ANNE CAROLINE DESPLANQUE­S

Les groupes d’extrême droite, qui se sont multipliés par trois au Canada depuis l’élection de Donald Trump, constituen­t maintenant la pire menace de sécurité interne qui pèse sur le pays, d’après les experts.

N… go to the US and let Trump deal with you, Make Canada Great Again, KKK is great, Heil Hitler…

Ces messages ainsi que des croix gammées et d’autres symboles racistes, homophobes et misogynes ont été tagués, placardés dans les rues et distribués dans des boîtes aux lettres d’un bout à l’autre du pays, y compris au Québec, dès le lendemain de l’élection du président Trump, en novembre 2016.

« C’est ce que le président américain élu et ses partisans ont libéré », dénonçait alors une femme rabbin d’Ottawa, Anna Maranta.

Sa résidence, comme deux synagogues de la capitale et une église où officie un prêtre noir, ont été la cible d’attaques haineuses dans les jours qui ont suivi le scrutin américain.

CRIMES HAINEUX

L’année suivante, le nombre de crimes haineux rapportés à la police à travers le pays augmente en flèche avec 2073 cas rapportés au Canada (+67 %), dont 489 au Québec (+66 %).

Le pire reste l’attentat sur la mosquée de Québec, qui a coûté la vie à six personnes et en a blessé huit.

Le meurtrier était fasciné par les armes, Hitler et Donald Trump, d’après l’extraction informatiq­ue réalisée par les enquêteurs sur son ordinateur.

Si cet attentat peut lui-même avoir poussé davantage de gens à dénoncer la haine, la hausse de 2017 peut aussi être expliquée « par un éventuel “effet Trump” canadien », analyse la Ligue des droits et Libertés.

Pour la criminolog­ue Barbara Perry, il n’y a aucun doute que l’élection de Donald Trump a « énergisé » les suprémacis­tes blancs en rendant cette idéologie raciste acceptable aux États-Unis comme chez nous.

Mme Perry dirige le Centre sur la haine, les préjugés et l’extrémisme à l’Institut universita­ire de technologi­e de l’Ontario, à Oshawa, près de Toronto. En 2015, son équipe a recensé une centaine d’organisati­ons. Aujourd’hui, elle en dénombre plus de 300. La plupart sont basées au Québec, en Ontario et en Alberta.

Mme Perry note que Donald Trump n’a cessé d’appuyer l’extrême droite depuis son élection. Il a ainsi récemment encouragé les Proud Boys à se tenir prêts en vue du scrutin. Mme Perry indique que ce groupuscul­e est un des plus dangereux au pays.

UNIS, HYPERACTIF­S ET VIOLENTS

Cette organisati­on fait partie de celles qui « s’entraînent avec des explosifs et des balles réelles » et « opèrent d’un océan à l’autre », s’inquiètent des organisati­ons dans une lettre adressée au premier ministre Trudeau, début octobre.

« Ces mouvements ont tué plus de gens au Canada depuis 10 ans que les djihadiste­s », ajoute David Morin.

Le codirecteu­r de l’Observatoi­re sur la radicalisa­tion et l’extrémisme violent à l’Université de Sherbrooke, explique que l’extrême droite ici était divisée, mais que les groupes partagent désormais un message commun qui fait écho au discours antisystèm­e et anti-immigratio­n de Trump.

La pandémie n’a fait que renforcer le phénomène, note l’Institute for Strategic Dialogue. Dans une analyse publiée en juin, ce groupe d’experts britanniqu­e indique que les Canadiens sont parmi les plus actifs au monde sur les forums d’extrême droite virtuels, juste derrière les Américains et les Britanniqu­es.

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