Le Québec est à la croisée des chemins pour son déficit
Le ministre des Finances sera-t-il forcé de repousser l’équilibre budgétaire ?
L’embauche massive en santé et en éducation va accentuer le déficit structurel du Québec. Compressions, hausses d’impôt, ou repousser de quelques années le retour à l’équilibre budgétaire: l’heure sera bientôt aux choix.
« Nous ne voulons pas augmenter les taxes et impôts », martèle le ministre des Finances Eric Girard.
Mais le déficit – de près de 15 milliards cette année – ne se résorbera pas de luimême. Québec prévoit que l’économie va prendre du mieux en 2022, mais il restera alors un déficit récurrent de 5 à 8 milliards, a dit le ministre Girard en entrevue à Radio-Canada.
Le gouvernement Legault a procédé à une embauche massive depuis le début de la pandémie. Le salaire des 10 000 préposés aux bénéficiaires coûtera 340 M$ pour un peu plus d’une demi-année. C’est sans compter le recrutement de nouveaux professeurs, d’infirmières, le renforcement des soins à domicile ainsi que les millions que Québec promet d’investir en santé mentale et les hausses salariales. Si on offre plus de services, ça coûte plus cher.
SCEPTIQUES
Eric Girard affirme malgré tout que le Québec sera capable de renouer avec l’équilibre budgétaire en 2025 grâce à une croissance économique soutenue et une augmentation significative des transferts fédéraux en santé, ce qui n’a pas encore été négocié avec Ottawa. Les experts et les partis d’oppositions sont sceptiques.
Le fiscaliste Luc Godbout estime que « tôt ou tard », les Québécois devront envisager une hausse d’impôt ou accepter des compressions si le Québec veut renouer avec un budget équilibré en cinq ans.
Les Québécois seraient peut-être prêts à contribuer davantage aux services publics. Depuis 2005, le professeur Godbout sonde les Québécois pour savoir s’ils paient trop d’impôt. Pour la première fois en 15 ans, moins de la moitié des répondants (44 %) pensent que oui. Ils étaient 70 % en 2011. Lorsqu’on leur demande s’ils sont disposés à payer plus pour financer des services accrus, 55 % des répondants au sondage réalisé cet été disent oui.
IMPÔT PANDÉMIQUE
Ces résultats ne sont pas sans déplaire à QS. Le parti propose un « impôt de pandémie » pour taxer davantage les grandes entreprises qui ont augmenté leurs profits pendant la crise.
Le député Vincent Marissal croit également que le Québec pourrait hausser les impôts des contribuables avec un revenu de plus de 100 000 $.
Au PQ, on refuse de se mouiller avant la mise à jour budgétaire de la mi-novembre. Mais le député Martin Ouellet ne veut pas retomber dans le scénario de « l’austérité libérale » : il ne faut pas effectuer de compressions dans d’autres ministères pour payer la facture en santé, dit-il.
De son côté, le critique libéral et ex-ministre des Finances Carlos Leitao résume la situation ainsi : si l’État embauche plus en santé et en éducation, il ne peut pas compenser ces coûts par un ménage dans la bureaucratie.
S’il veut réellement économiser, il devra faire des coupes importantes dans le personnel de la fonction publique, ce qui serait un mauvais choix, selon lui.
La crise actuelle ne fait qu’accélérer un mouvement de fond, dit-il : « Si on ne fait rien, les dépenses en santé vont accaparer de plus en plus le budget de l’État, ce qui va laisser toujours moins de ressources aux autres missions ».