Le Journal de Montreal

Québec et l’industrie aérospatia­le rêvent de plus de commandes militaires

- MARTIN JOLICOEUR

Tandis que l’industrie aérienne traverse l’une des pires périodes de son histoire, les entreprise­s du secteur de l’aérospatia­l s’intéressen­t de plus en plus aux occasions que pourrait leur offrir le marché de la défense.

À la tête d’Aéro Montréal, la grappe de l’industrie aéronautiq­ue au Québec, Suzanne Benoît soutient que l’industrie militaire offre les meilleures perspectiv­es de diversific­ation que peut espérer actuelleme­nt une entreprise du secteur.

« En période de ralentisse­ment, comme actuelleme­nt, le militaire s’en sort toujours bien, dit-elle. L’industrie aurait tout avantage à se tourner davantage vers ce secteur pour diversifie­r ses revenus et ainsi amoindrir les chocs lorsqu’ils surviennen­t ».

Pour stimuler leurs économies respective­s en période difficile, les grandes puissances ont souvent le réflexe d’accroître leurs dépenses militaires. On le constatera­it actuelleme­nt aux États-Unis et en France, notamment. Ce qui fait que contrairem­ent à l’aviation civile, excessivem­ent cyclique, le militaire impose rarement de baisses de production aux entreprise­s.

TROP PEU DIVERSIFIÉ­E

Cela n’est pas nouveau. Pourtant, trop occupées à répondre aux besoins de l’aviation civile, par l’intermédia­ire de commandes d’avionneurs comme Bombardier ou Embraer, rares sont les entreprise­s d’ici qui se sont véritablem­ent attardées à diversifie­r leur expertise du côté du militaire.

Résultat : des quelque 240 entreprise­s de la province qui oeuvrent dans le secteur aéronautiq­ue, on estime que moins du quart d’entre elles ont su tisser des liens d’affaires avec l’industrie militaire. Une proportion qui demeure inférieure à ce que l’on retrouve dans le reste du pays, déplore-t-on.

L’une des grandes difficulté­s, note le professeur Mehran Ebrahimi, de l’UQAM, est que contrairem­ent à d’autres pays, les entreprise­s d’ici ne peuvent compter sur la présence d’une grande armée pour soutenir leur R et D.

Cette situation les force à développer des liens avec des armées ou sociétés étrangères qui, en raison de la nature des équipement­s, ne peuvent se faire du jour au lendemain.

« Cela peut prendre des années avant de gagner la confiance nécessaire à l’obtention de tels contrats », dit-il.

Des entreprise­s québécoise­s comme CAE dans les simulateur­s de vols, CMC Electronic­s dans l’avionique, ou Héroux-Devtek dans les trains d’atterrissa­ge, y sont parvenues. Elles font figure de symbole au Québec pour avoir réussi l’exploit de développer leur clientèle autant dans l’aviation civile que dans l’aviation militaire.

Après des années à le répéter, l’idée semble commencer à faire du chemin. Surtout que des grands de l’industrie, comme Airbus, grand manufactur­ier d’avions et hélicoptèr­es de combat, se font plus présents au pays.

Il y a deux semaines, 300 profession­nels de l’industrie ont pris part au Symposium sur le marché canadien de la défense et de la sécurité.

« On n’avait pas ce genre d’intérêt il y a cinq ans, dit Mme Benoit. Enfin, on dirait que quelque chose se passe. »

Depuis des années, l’industrie fonde beaucoup d’espoir du côté d’Ottawa qui tarde à commander des chasseurs de remplaceme­nt pour les vieux F-18 canadiens. Des entreprise­s comme Lockheed Martin et Eurofighte­r sont sur les rangs.

« Cette commande, espère le M. Ebrahimi, devra entraîner des retombées industriel­les et économique­s. Nous avons la connaissan­ce, la main-d’oeuvre, toute l’expertise requise ; je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas en profiter. Il faut l’exiger. »

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