Culture : le Québec doit se réveiller
Ça dort à Québec concernant la culture, alors que nous nous trouvons à un tournant crucial.
Le 3 novembre, le ministre du Patrimoine, Steven Guilbeault, déposait le projet de loi C-10, qui soumet les géants du web à la loi fédérale sur la radiodiffusion.
RÉACTION MOLLE
On se serait attendu à une réaction ferme de nos élus face à cette volonté même pas subtile du gouvernement central d’accroître sa mainmise sur tout ce qui est culture.
Il y eut certes l’adoption d’une motion à l’unanimité au sujet de C-10, proposée par le PQ.
L’Assemblée nationale demandait à Québec « d’exiger du gouvernement du Canada qu’il détermine des quotas justes et équitables en matière de contenu original québécois et francophone, et qu’il les inscrive dans la Loi sur la radiodiffusion ».
Autrement dit : qu’Ottawa s’occupe de la culture québécoise et francophone ! Déconcertant !
« SOUVERAINETÉ CULTURELLE »
Où sont donc passées les prétendues ambitions de « souveraineté culturelle » québécoises ? « C’est là un vieux concept datant de l’ère Robert Bourassa », me direz-vous.
Aucunement ! Pas plus tard que le 27 octobre, la cheffe libérale Dominique Anglade renouait avec l’idée bourassienne, dans un texte intitulé « Quelque chose d’inachevé », 25 ans après le 2e référendum. Il faut « réclamer la souveraineté culturelle du Québec, ainsi que tous les fonds et leviers pertinents nécessaires à sa protection et à son épanouissement ».
Bourassa n’est-il qu’un simple hochet qu’on agite pour faire plaisir ?
Jean Charest, 12 septembre 2008 : il est alors minoritaire et une campagne fédérale fait rage où la culture occupe le devant de la scène. À la surprise générale, il interpelle solennellement les partis fédéraux « afin qu’ils s’engagent à entamer des discussions pour conclure une entente Canada-Québec concernant la culture et les communications ».
Trois mois plus tard, le PLQ redevenait majoritaire. Le grand projet de rapatriement de la culture... fut vite abandonné après l’envoi – pour la forme – au gouvernement Harper d’une missive de la ministre Christine St-Pierre.
La CAQ aussi, dans son fameux document de 2015 « Un nouveau projet nationaliste pour le Québec », citait la « souveraineté culturelle » de Bourassa. Une « autonomie » en cette matière, pouvait-on lire, « est à la fois une priorité et une nécessité pour que le Québec assure son épanouissement en tant que nation ».
UNANIMITÉ !
Bref, c’est l’unanimité sur le sujet. (J’omets QS ; la question du « qui fait quoi » dans la fédération l’intéresse à peu près pas.)
Or, aucun parti ne semble comprendre que, dans le nouvel ordre numérique, il y a une occasion pour le Québec. Le vieil argumentaire de l’ère préinternet, par lequel les tribunaux ont confié la compétence culturelle au fédéral – en fonction des « tuyaux » de l’époque –, ne tient plus.
Québec, qui a conservé des parcelles de compétences sur le contenu (protection du consommateur, langue), n’a même pas à attendre quelque accord avec Ottawa avant d’agir.
En matière de taxation, devant les atermoiements du fédéral, le gouvernement Couillard avait pris les devants et forcé les géants du web à percevoir TVQ et TPS.
L’Assemblée nationale pourrait légiférer dès maintenant en matière de culture à l’ère numérique, selon ses priorités nationales.
Voilà qui serait un vrai geste de « souveraineté culturelle ».