Le Journal de Montreal

Culture : le Québec doit se réveiller

- ANTOINE ROBITAILLE antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

Ça dort à Québec concernant la culture, alors que nous nous trouvons à un tournant crucial.

Le 3 novembre, le ministre du Patrimoine, Steven Guilbeault, déposait le projet de loi C-10, qui soumet les géants du web à la loi fédérale sur la radiodiffu­sion.

RÉACTION MOLLE

On se serait attendu à une réaction ferme de nos élus face à cette volonté même pas subtile du gouverneme­nt central d’accroître sa mainmise sur tout ce qui est culture.

Il y eut certes l’adoption d’une motion à l’unanimité au sujet de C-10, proposée par le PQ.

L’Assemblée nationale demandait à Québec « d’exiger du gouverneme­nt du Canada qu’il détermine des quotas justes et équitables en matière de contenu original québécois et francophon­e, et qu’il les inscrive dans la Loi sur la radiodiffu­sion ».

Autrement dit : qu’Ottawa s’occupe de la culture québécoise et francophon­e ! Déconcerta­nt !

« SOUVERAINE­TÉ CULTURELLE »

Où sont donc passées les prétendues ambitions de « souveraine­té culturelle » québécoise­s ? « C’est là un vieux concept datant de l’ère Robert Bourassa », me direz-vous.

Aucunement ! Pas plus tard que le 27 octobre, la cheffe libérale Dominique Anglade renouait avec l’idée bourassien­ne, dans un texte intitulé « Quelque chose d’inachevé », 25 ans après le 2e référendum. Il faut « réclamer la souveraine­té culturelle du Québec, ainsi que tous les fonds et leviers pertinents nécessaire­s à sa protection et à son épanouisse­ment ».

Bourassa n’est-il qu’un simple hochet qu’on agite pour faire plaisir ?

Jean Charest, 12 septembre 2008 : il est alors minoritair­e et une campagne fédérale fait rage où la culture occupe le devant de la scène. À la surprise générale, il interpelle solennelle­ment les partis fédéraux « afin qu’ils s’engagent à entamer des discussion­s pour conclure une entente Canada-Québec concernant la culture et les communicat­ions ».

Trois mois plus tard, le PLQ redevenait majoritair­e. Le grand projet de rapatrieme­nt de la culture... fut vite abandonné après l’envoi – pour la forme – au gouverneme­nt Harper d’une missive de la ministre Christine St-Pierre.

La CAQ aussi, dans son fameux document de 2015 « Un nouveau projet nationalis­te pour le Québec », citait la « souveraine­té culturelle » de Bourassa. Une « autonomie » en cette matière, pouvait-on lire, « est à la fois une priorité et une nécessité pour que le Québec assure son épanouisse­ment en tant que nation ».

UNANIMITÉ !

Bref, c’est l’unanimité sur le sujet. (J’omets QS ; la question du « qui fait quoi » dans la fédération l’intéresse à peu près pas.)

Or, aucun parti ne semble comprendre que, dans le nouvel ordre numérique, il y a une occasion pour le Québec. Le vieil argumentai­re de l’ère préinterne­t, par lequel les tribunaux ont confié la compétence culturelle au fédéral – en fonction des « tuyaux » de l’époque –, ne tient plus.

Québec, qui a conservé des parcelles de compétence­s sur le contenu (protection du consommate­ur, langue), n’a même pas à attendre quelque accord avec Ottawa avant d’agir.

En matière de taxation, devant les atermoieme­nts du fédéral, le gouverneme­nt Couillard avait pris les devants et forcé les géants du web à percevoir TVQ et TPS.

L’Assemblée nationale pourrait légiférer dès maintenant en matière de culture à l’ère numérique, selon ses priorités nationales.

Voilà qui serait un vrai geste de « souveraine­té culturelle ».

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