Coûteuses et peu efficaces, selon des experts
Au moment où la GRC envisage d’acquérir 10 000 caméras corporelles pour ses gendarmes, des experts jugent qu’il s’agit d’une mesure coûteuse et peu utile pour contrer la brutalité policière et le profilage racial.
« Les caméras portatives n’ont pas l’effet miraculeux qu’on attend d’elles », soutient Rémi Boivin, un professeur de l’École de criminologie de l’Université de Montréal.
Ses recherches démontrent que la présence de caméras n’a aucun effet marqué sur l’usage de la force pendant les interventions policières.
Pour lui, le déploiement d’un tel système serait plutôt un geste politique pour prouver au public que la GRC est prête à montrer patte blanche.
« La GRC veut tout mettre en oeuvre pour que les Canadiens […] aient confiance en elle », peut-on d’ailleurs lire dans la demande de renseignements au sujet des caméras corporelles publiée par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada le mois dernier.
Selon ce même document, 10 000 caméras corporelles pourraient être utilisées dès juillet 2021 par certains des 12 000 gendarmes qu’emploie la police fédérale.
UNE DÉPENSE RÉCURRENTE
On n’y précise à aucun moment les coûts associés à cette mesure, mais Rémi Boivin prévient qu’ils pourraient s’élever à « des millions et des millions de dollars », et ce, chaque année.
C’est la formation du personnel et le stockage de milliers d’heures de vidéo — et non les caméras en elles-mêmes — qui feraient gonfler la facture.
« Est-ce qu’on est prêts à mettre autant d’argent sur les caméras ? C’est une question de société », affirme le criminologue.
Déjà cet été, Justin Trudeau avait publiquement évoqué l’idée d’équiper la GRC de caméras portatives après la mort de l’Afro-Américain George Floyd aux mains de policiers de Minneapolis.
UN OUTIL DE PLUS
Cependant, le criminologue Massimiliano Mulone estime que ces appareils constituent une solution simpliste à des problèmes complexes comme le profilage racial ou le racisme systémique.
« Si la police intervient plus auprès de certaines populations racisées, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de caméras pour les filmer », affirme M. Mulone, rappelant que les citoyens sont de plus en plus nombreux à enregistrer les opérations policières.
Policier de la GRC à la retraite et conseiller du Centre de recherche-action sur les relations raciales, Alain Babineau est plutôt d’avis que les enregistrements des caméras ont leur utilité en cour, après les faits.
« Ça donne une certaine confiance aux gens. Ce n’est plus seulement leur parole contre celle du policier », affirme-t-il.