La nomination des juges à Ottawa doit être scrutée
Le Bloc et les partis d’opposition vont bientôt forcer la création d’un comité qui enquêtera sur le processus de nomination des juges par le gouvernement Trudeau.
Il était à peu près temps.
BASTARACHE
En 2010, j’ai couvert au quotidien la commission Bastarache sur le processus de nomination des juges du Québec.
Elle a conclu que l’ex-ministre Marc Bellemare n’avait pas fait l’objet de pressions « indues » de la part des collecteurs de fonds véreux du PLQ.
L’exercice avait toutefois permis d’exposer un problème de contamination partisane. « Mme post-it »,
Chantal Landry, du bureau de Jean Charest, mettait en évidence les « bons libéraux » qui postulaient à la magistrature.
Le processus québécois fut d’ailleurs modifié considérablement dès 2011.
LE VRAI SCANDALE
Mais le Québec ne nomme que les juges des tribunaux dits « inférieurs » : Cour du Québec et tribunaux administratifs. Le fédéral, lui, choisit les juges dont les décisions ont le plus d’effet : cours supérieures, d’appel, Cour suprême et cours fédérales.
Or, comme nous le démontrent des révélations de Radio-Canada et de
La Presse récemment, à Ottawa, en matière de nomination judiciaire, on patauge encore dans une ère pré-Bastarache. Une « libéraliste » partisane sert de tamis pour retenir les amis, des députés marquent leurs préférences, comme la garde rapprochée du premier ministre. Notamment l’ancien conseiller Mathieu Bouchard.
Pourtant, une autre commission, au fédéral en 2005, la Gomery, aurait dû avoir l’effet d’un électrochoc. On y découvrit le favoritisme et le copinage grossiers qui entachaient le processus de nomination des juges à Ottawa. Un ancien président du PLC au Québec, Benoît Corbeil, avait affirmé que les candidats à la magistrature avaient tout intérêt à avoir travaillé pour les libéraux.
« Faut-il être militant libéral pour être juge ? » s’interrogeait même Radio-Canada le 29 avril 2005. Par la suite, il y eut des réformettes cosmétiques, création de comités. Justin Trudeau promit « indépendance » et « transparence »...
Or, les cas de libéraux et d’amis des libéraux nommés se multiplient. D’ailleurs, deux juristes mentionnés dans le reportage de 2005, Johanne Brodeur et Bernard Synnott, dont on soulignait à l’époque les affiliations fortement partisanes – et qui étaient alors membres d’un comité consultatif pour les choix à la magistrature – ont été nommés eux-mêmes juges par le gouvernement Trudeau en 2017 et en 2018.
Une des dernières nominations du ministre de la Justice David Lametti, Philippe Bélanger, soulève aussi des questions.
M. Bélanger est une bonne connaissance du ministre et un donateur au PLC, révélait Radio-Canada récemment : quelque 10 000 $ sur plusieurs années. Bien que non-résident de LaSalle–Émard– Verdun, il a tenu à y donner des sous au PLC. C’est la circonscription de Lametti.
Pressentant une tempête, ce dernier, avant de nommer son ami, a demandé au Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique de lui donner un avis sur ce cas. Conclusion ? Pas de conflit d’intérêts... Curieuse instrumentalisation du Commissariat, qui n’a pas pour fonction de juger des apparences, ici douteuses.
Vivement une enquête des parlementaires, mais il faudra bien un jour qu’Ottawa vive son « moment » Bastarache. En tout cas, nous, on y reviendra.
Une des dernières nominations du ministre de la Justice David Lametti, Philippe Bélanger, soulève aussi des questions.