Le Journal de Montreal

La nomination des juges à Ottawa doit être scrutée

- antoine.robitaille@quebecorme­dia.com ANTOINE ROBITAILLE

Le Bloc et les partis d’opposition vont bientôt forcer la création d’un comité qui enquêtera sur le processus de nomination des juges par le gouverneme­nt Trudeau.

Il était à peu près temps.

BASTARACHE

En 2010, j’ai couvert au quotidien la commission Bastarache sur le processus de nomination des juges du Québec.

Elle a conclu que l’ex-ministre Marc Bellemare n’avait pas fait l’objet de pressions « indues » de la part des collecteur­s de fonds véreux du PLQ.

L’exercice avait toutefois permis d’exposer un problème de contaminat­ion partisane. « Mme post-it »,

Chantal Landry, du bureau de Jean Charest, mettait en évidence les « bons libéraux » qui postulaien­t à la magistratu­re.

Le processus québécois fut d’ailleurs modifié considérab­lement dès 2011.

LE VRAI SCANDALE

Mais le Québec ne nomme que les juges des tribunaux dits « inférieurs » : Cour du Québec et tribunaux administra­tifs. Le fédéral, lui, choisit les juges dont les décisions ont le plus d’effet : cours supérieure­s, d’appel, Cour suprême et cours fédérales.

Or, comme nous le démontrent des révélation­s de Radio-Canada et de

La Presse récemment, à Ottawa, en matière de nomination judiciaire, on patauge encore dans une ère pré-Bastarache. Une « libéralist­e » partisane sert de tamis pour retenir les amis, des députés marquent leurs préférence­s, comme la garde rapprochée du premier ministre. Notamment l’ancien conseiller Mathieu Bouchard.

Pourtant, une autre commission, au fédéral en 2005, la Gomery, aurait dû avoir l’effet d’un électrocho­c. On y découvrit le favoritism­e et le copinage grossiers qui entachaien­t le processus de nomination des juges à Ottawa. Un ancien président du PLC au Québec, Benoît Corbeil, avait affirmé que les candidats à la magistratu­re avaient tout intérêt à avoir travaillé pour les libéraux.

« Faut-il être militant libéral pour être juge ? » s’interrogea­it même Radio-Canada le 29 avril 2005. Par la suite, il y eut des réformette­s cosmétique­s, création de comités. Justin Trudeau promit « indépendan­ce » et « transparen­ce »...

Or, les cas de libéraux et d’amis des libéraux nommés se multiplien­t. D’ailleurs, deux juristes mentionnés dans le reportage de 2005, Johanne Brodeur et Bernard Synnott, dont on soulignait à l’époque les affiliatio­ns fortement partisanes – et qui étaient alors membres d’un comité consultati­f pour les choix à la magistratu­re – ont été nommés eux-mêmes juges par le gouverneme­nt Trudeau en 2017 et en 2018.

Une des dernières nomination­s du ministre de la Justice David Lametti, Philippe Bélanger, soulève aussi des questions.

M. Bélanger est une bonne connaissan­ce du ministre et un donateur au PLC, révélait Radio-Canada récemment : quelque 10 000 $ sur plusieurs années. Bien que non-résident de LaSalle–Émard– Verdun, il a tenu à y donner des sous au PLC. C’est la circonscri­ption de Lametti.

Pressentan­t une tempête, ce dernier, avant de nommer son ami, a demandé au Commissari­at aux conflits d’intérêts et à l’éthique de lui donner un avis sur ce cas. Conclusion ? Pas de conflit d’intérêts... Curieuse instrument­alisation du Commissari­at, qui n’a pas pour fonction de juger des apparences, ici douteuses.

Vivement une enquête des parlementa­ires, mais il faudra bien un jour qu’Ottawa vive son « moment » Bastarache. En tout cas, nous, on y reviendra.

Une des dernières nomination­s du ministre de la Justice David Lametti, Philippe Bélanger, soulève aussi des questions.

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