Le Journal de Montreal

Lettre à ma mère

- LOUISE DESCHÂTELE­T louise.deschatele­ts@quebecorme­dia.co

À toi ma chère mère qui achève ton voyage terrestre, je voudrais dire combien c’est difficile pour moi de penser au jour où tu ne seras plus là. Dès mon plus jeune âge, je savais que tu serais la femme de ma vie. Je me souviens d’avoir humé ton parfum dans ton cou quand, tout petit, peut-être même bébé, tu me prenais dans tes bras.

Je t’admirais quand tu partais au bras de papa pour visiter vos amis. Aucune des jeunes gardiennes qui prenaient alors soin de moi ne parvenait à t’éclipser. Tu étais ma princesse, ma reine, et je savais que pour toi, j’étais l’équivalent d’un prince charmant puisque tu me le répétais chaque soir en venant me border.

Quand papa nous a quittés dans la fleur de l’âge, j’ai craint que tu ne le remplaces, vu que tu étais encore jeune et attrayante. Mais il n’en fut rien. Je crois que tu savais à quel point il m’aurait été difficile de te partager avec un inconnu venu de nulle part.

Pendant les quelque 40 années où nous avons vécu séparés l’un de l’autre parce que je tentais de m’affirmer comme homme, nous avons eu quelques différends qui ont créé un froid entre nous, mais rien qui ne réussisse à rompre ce lien si fort d’autrefois. Puis un jour, il y a 10 ans, tu m’as demandé de revenir à tes côtés. Ta santé déclinait et tu ne voulais plus rester seule.

J’ai tout quitté pour toi. Quitté ma vie personnell­e pour me consacrer à la tienne. Une fois rassurée sur ma volonté de me dévouer entièremen­t pour toi, petit à petit au fil des ans, tu as laissé ton esprit divaguer. Depuis trois ans tu ne me reconnais même plus quand je vais te visiter, puisque j’ai dû, à mon corps défendant, te placer dans une maison de soins. Maintenant que l’Alzheimer occupe toute la place dans ton existence, que je ne suis plus qu’une ombre qui gravite autour de toi sans que tu puisses l’identifier, toi qui, rendue à 95 ans est presque retournée en position foetale, je me sens fier de t’avoir tout donné chère maman.

Un fils

Ce que vous avez fait et faites encore pour votre mère est admirable et digne de respect. Comme vous êtes avare de renseignem­ents vous concernant, et même si j’admire l’oeuvre accomplie, j’espère quand même que vous avez fait une place à la réalisatio­n de votre propre bonheur à travers tout ça. Il serait triste que votre sacrifice ait été total.

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