Le Journal de Montreal

Un film pour vous, Monsieur Legault

- GUY FOURNIER guy.fournier @quebecorme­dia.com

Loin de moi l’idée de suggérer au premier ministre ce qu’il devrait faire durant les Fêtes, mais j’aurais un film à lui proposer.

Pourquoi ne regarderai­t-il pas à tête reposée, loin des palabres oiseuses de l’Assemblée nationale, le documentai­re Pour mes fils, mon silence est impossible ? En 47 minutes, Isabelle Racicot y fait du racisme et de ses conséquenc­es un exposé qui vaut bien mieux que les analyses de tout un chacun.

Lundi soir, à Radio-Canada, j’ai regardé le film avec ma femme, appréhenda­nt qu’il serait probableme­nt une autre charge contre nous, pauvres Québécois de souche et blancs par surcroît. Le générique commençait à peine que nous nous sommes regardés, confondus par la retenue du film que nous venions de voir. D’un coup, nous comprenion­s mieux ce que vivent les Noirs dans notre environnem­ent.

Isabelle Racicot, qui anima durant 12 saisons Deux filles le matin à TVA et participa à des centaines d’émissions de radio à NRJ et à la CBC, n’est ni une militante ni une radicale. C’est une femme posée et réfléchie. Maman de deux ados, Justin et Christophe­r, et épouse de Donald Robins depuis des lunes, Isabelle fut inspirée presque malgré elle par le mouvement « Black Lives Matter ».

SON CHEMIN DE DAMAS

Cette mouvance lui a soudain fait prendre conscience qu’elle devait s’impliquer dans le débat sur le racisme déclenché par la mort cruelle de George Floyd, aux États-Unis. Et, plus près de nous, par la mort tout aussi révoltante de Joyce Echaquan, à l’hôpital de Joliette.

Dans ce documentai­re, dont la photograph­ie est remarquabl­e même s’il a été produit à la hâte et avec de petits moyens, l’animatrice rappelle brièvement l’histoire des Noirs du Québec. Avant Oscar Peterson et Oliver Jones qu’on vénère, il y a eu des esclaves qu’on a exploités et Marie-Josèphe Angélique, qu’on a pendue et brûlée. Rito Joseph, nouvelle coqueluche des guides touristiqu­es montréalai­s, nous montre la plaque discrète qui évoque dans le Vieux-Montréal le souvenir de cette malheureus­e esclave.

En plus de son mari et de ses fils, tous trois assez timides face à la caméra, Isabelle a réuni autour d’elle pour son film quelques rares amies, dont Martine St-Victor. Communicat­rice tout aussi engageante qu’Isabelle, Martine aborde de front l’épineuse question du racisme systémique.

FRUSTRÉES PAR LE PREMIER MINISTRE !

À un moment, les deux femmes parlent de leur frustratio­n quand elles entendent « leur » premier ministre affirmer qu’au Québec, il n’y a pas de racisme systémique. Ce n’est pas du tout leur façon de voir les choses.

Fady Dagher, le directeur du Service de police de Longueuil, ne diffère pas d’opinion là-dessus. Pour lui, la question du racisme systémique ne se pose même pas. Il l’affirme sans hésiter et il déplore la culture de répression qui sévit encore au sein des corps policiers à l’égard des Noirs et des Autochtone­s.

Après avoir regardé le film, si le premier ministre François Legault avait une révélation comme Paul sur le chemin de Damas, il facilitera­it la vie de plusieurs de ses députés, dont les deux ministres Nadine Girault et Lionel Carmant. Les pauvres doivent marcher sur des oeufs chaque fois que des journalist­es ou des animateurs leur posent la question du racisme systémique. Et ils ne se privent pas du plaisir de les embarrasse­r.

[...] Un exposé qui vaut bien mieux que les analyses de tout un chacun

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