Le Journal de Montreal

38 élus dans l’eau chaude

Ils ont été condamnés ou font l’objet d’une enquête depuis le dépôt du rapport de la commission Charbonnea­u

- SARAH-MAUDE LEFEBVRE ET ANDREA VALERIA

Cinq ans après le rapport de la commission Charbonnea­u qui exposait au grand jour des stratagème­s de corruption et de collusion, des dizaines d’élus municipaux se font encore prendre la main dans le sac pour des conflits d’intérêts et des comporteme­nts douteux.

De 2012 à 2014, les audiences de la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la constructi­on (CEIC) ont été suivies comme un feuilleton télévisé par de nombreux Québécois.

Ils ont ainsi pu découvrir les rouages du financemen­t illégal des partis politiques, les nombreux cadeaux et voyages dont ont profité plusieurs élus, et les méthodes douteuses de spécialist­es des élections clés en main.

Or, ces révélation­s sont loin d’avoir mis fin aux problèmes d’éthique et de corruption dans le milieu municipal, a constaté notre Bureau d’enquête.

Seulement depuis le dépôt du rapport de la CEIC en novembre 2015, 24 élus de partout à travers le Québec ont été sanctionné­s et 14 autres font présenteme­nt l’objet d’une enquête ou sont accusés. Nous avons retracé leur histoire dans un cahier spécial que vous retrouvere­z en pages 43 à 57 de cette édition.

RECENSEMEN­T DEPUIS 2015

Pour arriver à ce constat, nous avons recensé tous les jugements sur des élus municipaux depuis novembre 2015, notamment à la Commission municipale du Québec (CMQ) et à Élections Québec, ainsi que toutes les enquêtes policières et administra­tives en cours les concernant.

Tentatives d’ingérence dans l’octroi de contrats municipaux, conflits d’intérêts, utilisatio­n des ressources de la ville à des fins personnell­es ; les cas recensés sont d’un niveau de gravité variable, et issus de partout à travers la province. Cela va par exemple de la région de Chaudière-Appalaches,

où un conseiller a voté pour l’octroi d’un contrat à sa propre entreprise, à la Montérégie où un maire est soupçonné d’avoir utilisé son droit de veto pour s’avantager personnell­ement.

MANQUE DE MORDANT

Nous avons aussi interrogé des acteurs clés du milieu municipal, comme la ministre responsabl­e, Andrée Laforest, et l’ancien procureur de la CEIC et ex-inspecteur général de Montréal, Denis Gallant.

Si tous remarquent que le portrait global s’est amélioré depuis la commission Charbonnea­u, ils conviennen­t également qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour assainir les moeurs du milieu municipal.

Encore à ce jour, le conflit d’intérêts est le manquement le plus souvent reproché aux élus municipaux qui sont cités en déontologi­e devant la CMQ.

« C’est toujours étonnant de voir qu’il y a encore des cas. Non seulement c’est étonnant, mais c’est encore moins pardonnabl­e, parce que maintenant ils savent », souligne l’actuelle inspectric­e générale de Montréal, Brigitte Bishop.

Selon elle, « si on ne maintient pas nos efforts [de lutte aux malversati­ons], ça va revenir ».

« Il ne faut pas baisser la garde si on ne veut pas une autre commission Charbonnea­u dans 10 ans. C’est terrible ce qu’on a vu là », affirme aussi Me Gallant.

Autre problémati­que : les outils de surveillan­ce créés dans la foulée de la CEIC manquent de mordant et permettent aux délinquant­s de se faufiler entre les mailles du filet (voir notre cahier spécial). Le tout dans un contexte où plusieurs municipali­tés qui ont signalé des situations douteuses attendent toujours l’interventi­on de l’Unité permanente anticorrup­tion (UPAC).

Vous voulez dénoncer ce qui se passe dans votre municipali­té ? Contactez notre journalist­e en toute confidenti­alité : sarah-maude.lefebvre @quebecorme­dia.com.

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L’ex-procureur vedette de la commission Charbonnea­u, Denis Gallant, veut éviter que le Québec ait besoin d’une autre enquête publique semblable dans 10 ans. PHOTO CHANTAL POIRIER
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BRIGITTE BISHOP Inspectric­e générale

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