Le Journal de Montreal

Relation trouble entre la mafia et les casinos

Le crime organisé tourne autour des maisons de jeux québécoise­s et américaine­s depuis des décennies

- ÉRIC YVAN LEMAY ET ANDREA VALERIA

Depuis longtemps, la mafia et le crime organisé en général se sont intéressés aux casinos pour y blanchir leur argent sale ou y faire du prêt usuraire. Au cours des derniers jours, notre Bureau d’enquête a révélé que le Casino de Montréal a déroulé le tapis rouge à plusieurs membres du crime organisé, allant même jusqu’à offrir des nuits à l’hôtel ou des soupers au restaurant. Voici quelques exemples de la présence de la mafia autour des casinos et des craintes qu’elle a suscitées des années 1950 à nos jours.

Des documents provenant de l’opération policière Colisée obtenus par notre Bureau d’enquête permettent de voir ce que les policiers du Service de police de Montréal avaient découvert au salon des hautes mises du Casino, qui s’appelait alors la section Platine.

Avec la participat­ion d’un agent double, les policiers ont pu approcher deux prêteurs usuraires d’origine italienne. Ces derniers avaient été identifiés grâce au système de caméra par les enquêteurs du Casino.

Selon le résumé des conversati­ons contenues dans un affidavit déposé à la cour, un des deux prêteurs aurait indiqué qu’il travaillai­t pour Vito Rizzuto.

« C’est Vito Rizzuto qui l’a placé au Casino de Montréal », peut-on lire dans les allégués qui n’ont toutefois pas été testés en cour.

PRÊT À 10 %

Le prêteur mentionne par la suite qu’il fait du prêt à 10 % d’intérêt. L’agent double et le prêteur se parlent en italien.

Il lui présente un autre prêteur avec qui il travaille. Dans les semaines qui suivent, une série de perquisiti­ons et d’arrestatio­ns liées à ces prêteurs usuraires et d’autres membres du réseau a lieu.

Visiblemen­t surpris par l’opération policière, de gros noms de la mafia, comme Francesco Del Balso, font des appels à l’un des prêteurs du Casino. Celui-ci demande alors à rencontrer Nicolo Rizzuto, le père de Vito Rizzuto, dans un bar.

BANNIS

Dans les jours suivants, les prêteurs italiens apprennent qu’ils sont bannis du Casino pour trois ans.

Peu de temps après, l’un deux raconte que « The Tall One », le surnom de Vito Rizzuto, l’a appelé. Il voulait savoir qui avait été expulsé et pour combien de temps.

À ce moment-là, les résumés d’écoutes électroniq­ues laissent entrevoir la panique des prêteurs qui disent qu’ils sont foutus et se demandent comment ils vont faire pour collecter toutes les dettes qu’on leur doit.

Cette infiltrati­on au Casino de Montréal a d’ailleurs fait partie des éléments qui ont été mentionnés en vue de l’extraditio­n de Vito Rizzuto vers les ÉtatsUnis en 2004. Trois ans plus tard, il a été reconnu coupable d’avoir participé au meurtre de trois membres importants du clan mafieux Bonanno à New York.

Au début des années 2000, le projet As de pique a visé rien de moins qu’un réseau de prêteurs à taux criminels liés au défunt parrain Vito Rizzuto.

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