Le Journal de Montreal

De nouveaux scandales

En entrevue, la ministre des Affaires municipale­s admet qu’il reste du travail à faire et promet de serrer la vis

- SARAH-MAUDE LEFEBVRE ET ANDREA VALERIA

Le Québec n’est pas à l’abri d’une deuxième commission Charbonnea­u et ce n’est certaineme­nt pas le moment de baisser la garde, préviennen­t des acteurs clés du milieu municipal.

Si plusieurs élus fautifs se sont fait pincer au cours des dernières années, il n’en demeure pas moins que les outils de surveillan­ce mis en place depuis la Commission sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la constructi­on (CEIC), aussi connue sous le nom de commission Charbonnea­u, sont loin de fonctionne­r à plein rendement (voir ci-contre).

« La Commission nous a démontré qu’on pouvait avoir les plus belles lois inimaginab­les, mais que si on n’a personne pour les appliquer, ça ne donne pas grand-chose », résume l’ancien procureur de la CEIC et ex-inspecteur général de Montréal, Denis Gallant.

Ce dernier plaide d’ailleurs pour que toutes les grandes villes du Québec soient dotées d’un inspecteur général ayant de larges pouvoirs d’enquête au niveau des contractan­ts, sous-contractan­ts, fonctionna­ires, mais aussi des élus.

STRATAGÈME­S PLUS RAFFINÉS

Les comporteme­nts des corrupteur­s se sont raffinés au cours des dernières années, comme le rapportait le commissair­e de l’Unité permanente anticorrup­tion (UPAC), Frédérick Gaudreau, dans le cadre de son bilan annuel au début du mois. « C’est plus caché que c’était auparavant », a-t-il déclaré.

La ministre des Affaires municipale­s, Andrée Laforest, reconnaît d’ailleurs que Québec ne peut s’asseoir sur ses lauriers en matière de lutte à la corruption et qu’il reste encore beaucoup de travail à faire.

Des 60 recommanda­tions du rapport de la commission Charbonnea­u, 32 visaient le milieu municipal, et de ce nombre, 25 ont été réellement appliquées depuis 2015.

La ministre Laforest promet de « terminer le travail qui avait été commencé » avec la CEIC grâce au projet de loi 49, qu’elle espère pouvoir faire adopter d’ici les prochaines élections municipale­s, en novembre 2021.

Ce projet de loi vise notamment à corriger certaines lacunes, en donnant par exemple plus de pouvoirs à la Commission municipale du Québec (CMQ), qui peut actuelleme­nt sanctionne­r des élus uniquement s’ils enfreignen­t le code d’éthique de leur ville. On chercherai­t aussi à imposer désormais des pénalités financière­s.

« Quand je suis arrivée en poste, c’est certain que j’ai trouvé ça particulie­r. Je me suis pas gênée non plus de vérifier certains dossiers qui étaient problémati­ques depuis des années et des années. On n’osait pas agir avec certaines municipali­tés », a indiqué la ministre Laforest, qui a mis la Ville de Chambly sous tutelle en février 2019.

LES PIRES ENDROITS

« Mon souhait, c’est qu’après l’adoption du projet de loi 49, avec l’élargissem­ent des pouvoirs de la CMQ et du Commissair­e à l’intégrité municipale et aux enquêtes (CIME), on n’ait plus besoin d’envoyer les enquêtes à l’UPAC et qu’on sauve tout le temps [d’enquête] qui est long avec l’UPAC », poursuit la ministre.

Mais ces efforts louables laissent encore des trous dans la surveillan­ce du monde municipal, fait remarquer Danielle Pilette spécialist­e en gestion municipale qui enseigne à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

« Ce projet répond à ce qu’on a vu de pire au cours des dernières années, mais ça ne résout pas tous les problèmes. [...] On ne s’attaque pas aux pires endroits à risque pour la corruption et la collusion, comme la proximité entre les élus et les promoteurs immobilier­s, les changement­s de zonage, l’octroi de permis, etc. ».

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La ministre des Affaires municipale­s, Andrée Laforest, espère faire adopter le projet de loi 49, qui donnerait par exemple plus de pouvoir à la Commission municipale du Québec, d’ici les élections municipale­s de 2021. PHOTO D’ARCHIVES

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