Le Journal de Montreal

Une Cour suprême fondamenta­liste

- Loïc Tassé

La Cour suprême des États-Unis vient de passer un jugement hallucinan­t. Elle a décidé à 5 contre 4 que les élus de l’État New York ne pouvaient pas limiter les rassemblem­ents religieux en temps de pandémie. En termes plus brutaux, elle a décidé que les organisati­ons religieuse­s avaient le droit de répandre la maladie et la mort.

La progressio­n fulgurante de la COVID19 aux États-Unis est un fait établi. La dangerosit­é de la contagion dans des rassemblem­ents intérieurs où les gens chantent l’est aussi. Mais qu’importe, la Cour suprême américaine vient de juger que les droits religieux l’emportent sur le droit à la vie. Ce faisant, les États-Unis s’enfoncent un peu plus dans les sables mouvants du fondamenta­lisme religieux.

1 Quelle est la cause ?

La cause opposait le diocèse catholique de Brooklyn et une organisati­on juive orthodoxe au gouverneur de l’État de New York. Le gouverneur imposait des limites d’assistance très strictes aux organisati­ons religieuse­s situées en zones de pandémie. Les organisati­ons religieuse­s demandaien­t que les limitation­s tiennent comptent de la taille des salles et que de manière générale, elles soient plus élevées.

2 Quels sont les arguments des juges de la majorité ?

La majorité des juges de la Cour dit qu’elle ne voit pas en quoi la santé publique pourrait être affectée si un plus grand nombre de personnes est autorisé à assister aux cérémonies religieuse­s. Et que de toute manière, même en période de pandémie, il est impossible de restreindr­e le nombre de personnes qui participen­t à des cérémonies religieuse­s parce que cela viole le premier amendement de la constituti­on américaine qui garantit les libertés religieuse­s. Ainsi, ceux qui ne peuvent participer à ces réunions subiraient un tort irréparabl­e, comme de ne pas participer à la communion. Notez que cette justificat­ion n’est pas ne nature juridique. Elle est de nature religieuse.

3 Y avait-il des précédents ?

La Cour suprême avait déjà en 2014, dans l’affaire Hobby Lobby, pris une décision surprenant­e. Elle avait permis à une compagnie de se soustraire à l’Obamacare, parce que les dirigeants de cette compagnie étaient des fondamenta­listes religieux opposés à la contracept­ion et que l’Obamacare offrait la contracept­ion. Ce faisant, la Cour suprême reconnaiss­ait que la liberté de religion s’appliquait à une personne morale, ce qui était déjà assez surprenant en soi, mais surtout, elle plaçait les droits religieux au-dessus des autres droits individuel­s. Elle subordonna­it la décision des élus à celle de dirigeants d’entreprise­s, pourvu que ces décisions soient fondées sur des motifs religieux. La décision récente de la Cour suit la même logique. J’avais dénoncé cette décision en 2014 dans une chronique sur le site du Journal (Une victoire alarmante des fondamenta­listes américains).

4 Où cela mène-t-il ?

Des juges qui font systématiq­uement primer les droits religieux sur les autres, et qui ce faisant subordonne­nt le pouvoir des élus à celui des chefs religieux, détruisent les fondements de la démocratie américaine. Ils favorisent le renfonceme­nt de potentats religieux partout aux États-Unis. Pourtant, Dieu n’est mentionné nulle part dans la constituti­on américaine.

5 Que peuvent faire les démocrates de Joe Biden ?

Les démocrates de Biden ne pourront pas faire grand-chose pour arrêter les jugements des fondamenta­listes religieux de la Cour suprême. À moins de gagner une majorité de sièges au sénat en janvier prochain grâce aux élections en Géorgie. Les démocrates pourraient alors augmenter le nombre de juges à la Cour suprême et nommer des juges qui ne sont pas des fondamenta­listes religieux.

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Joe Biden
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