Le Journal de Montreal

Casino : l’autre hypocrisie

- Blogueur au Journal antoine.robitaille@quebecorme­dia.com ANTOINE ROBITAILLE

Je suis d’accord avec mon collègue Mario Dumont : il y a de l’hypocrisie dans la gestion des casinos par l’État.

C’est un milieu à haut risque. Un casino payant est souvent celui qui réussit à attirer des « personnage­s sulfureux » qui ont beaucoup d’argent, lequel n’est souvent pas très propre.

Notre Bureau d’enquête vient de le démontrer d’une troublante façon, preuves accablante­s à l’appui. La classe politique, avec raison, demande une enquête. La direction de Loto-Québec est sur la sellette.

Mais il y a une hypocrisie pire encore, à mon sens.

HÉSITATION­S

Revenons d’abord en arrière. Les casinos du Québec n’ont pas 30 ans. Au début des années 1980, on hésitait beaucoup.

Le 4 juin 1982, en commission parlementa­ire, Daniel Johnson fils demande au ministre des Finances Jacques Parizeau si le Québec aura des casinos. S’en suit un exposé... « comment dire ? » remarquabl­e.

L’implantati­on de casinos ? Le ministre n’est manifestem­ent pas chaud à l’idée. Il concède tout au plus que ces établissem­ents de jeux peuvent constituer des soutiens au tourisme.

Mais cela a des « coûts sociaux ». Et place l’État devant un vrai dilemme : ça le force, explique Parizeau, à choisir, d’une part, entre aider le tourisme, ou, d’autre part, « éviter des formes de criminalit­é, d’attrait pour la pègre ou d’autres choses comme ça. Lequel des deux est le plus important ? ».

Parizeau refusait à l’époque de faire cet « arbitrage extraordin­airement compliqué » entre des notions peu compatible­s.

Mais si le Québec devait un jour se doter de casinos, opinait-il, le modèle « à l’européenne », géré par l’État, devrait être privilégié à celui d’Atlantic City. Car on peut y « limiter certaines formes de criminalit­é au minimum ».

En 1993, c’est un gouverneme­nt Bourassa divisé qui va de l’avant avec l’implantati­on de casinos. Malgré de nombreuses mises en garde. Notamment du chef de police de la CUM de l’époque, Alain Saint-Germain, qui disait craindre les « problèmes de blanchimen­t d’argent ».

Québec opta pour le modèle européen.

RESPONSABI­LITÉ

Heureuseme­nt, car il est possible de faire des enquêtes sur les casinos d’État (en dépit de l’opacité de Loto-Québec).

À la suite de ces enquêtes, des élus comme Vincent Marissal ou Dominique Anglade peuvent pointer des responsabl­es, réclamer des commission­s pour faire « toute la lumière ».

Au bout de l’exercice, des coupables seront sans doute identifiés, on nettoiera probableme­nt nos casinos et on y installera des mécanismes (toujours imparfaits, certes) afin de « limiter certaines formes de criminalit­é au minimum », comme disait Parizeau.

TOUS LES CASINOS

Et l’autre hypocrisie ? Elle est ici : enquêter sur les autres casinos, privés, parfois illégaux, notamment en territoire Mohawk, est une entreprise bien plus « complexe » encore que de percer l’opaque Loto-Québec.

Par conséquent, si une commission d’enquête devait être créée sur le blanchimen­t d’argent dans les casinos et/ou leurs relations troubles avec le crime organisé, il faudrait logiquemen­t inclure tous les casinos qui se font concurrenc­e sur le territoire ; et pourquoi pas aussi sur le web ?

Le blanchimen­t d’argent, ça ne passe pas uniquement par des « cartes bijoux ».

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Un casino payant est souvent celui qui réussit à attirer des « personnage­s sulfureux » qui ont beaucoup d’argent, lequel n’est souvent pas très propre.
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