Casino : l’autre hypocrisie
Je suis d’accord avec mon collègue Mario Dumont : il y a de l’hypocrisie dans la gestion des casinos par l’État.
C’est un milieu à haut risque. Un casino payant est souvent celui qui réussit à attirer des « personnages sulfureux » qui ont beaucoup d’argent, lequel n’est souvent pas très propre.
Notre Bureau d’enquête vient de le démontrer d’une troublante façon, preuves accablantes à l’appui. La classe politique, avec raison, demande une enquête. La direction de Loto-Québec est sur la sellette.
Mais il y a une hypocrisie pire encore, à mon sens.
HÉSITATIONS
Revenons d’abord en arrière. Les casinos du Québec n’ont pas 30 ans. Au début des années 1980, on hésitait beaucoup.
Le 4 juin 1982, en commission parlementaire, Daniel Johnson fils demande au ministre des Finances Jacques Parizeau si le Québec aura des casinos. S’en suit un exposé... « comment dire ? » remarquable.
L’implantation de casinos ? Le ministre n’est manifestement pas chaud à l’idée. Il concède tout au plus que ces établissements de jeux peuvent constituer des soutiens au tourisme.
Mais cela a des « coûts sociaux ». Et place l’État devant un vrai dilemme : ça le force, explique Parizeau, à choisir, d’une part, entre aider le tourisme, ou, d’autre part, « éviter des formes de criminalité, d’attrait pour la pègre ou d’autres choses comme ça. Lequel des deux est le plus important ? ».
Parizeau refusait à l’époque de faire cet « arbitrage extraordinairement compliqué » entre des notions peu compatibles.
Mais si le Québec devait un jour se doter de casinos, opinait-il, le modèle « à l’européenne », géré par l’État, devrait être privilégié à celui d’Atlantic City. Car on peut y « limiter certaines formes de criminalité au minimum ».
En 1993, c’est un gouvernement Bourassa divisé qui va de l’avant avec l’implantation de casinos. Malgré de nombreuses mises en garde. Notamment du chef de police de la CUM de l’époque, Alain Saint-Germain, qui disait craindre les « problèmes de blanchiment d’argent ».
Québec opta pour le modèle européen.
RESPONSABILITÉ
Heureusement, car il est possible de faire des enquêtes sur les casinos d’État (en dépit de l’opacité de Loto-Québec).
À la suite de ces enquêtes, des élus comme Vincent Marissal ou Dominique Anglade peuvent pointer des responsables, réclamer des commissions pour faire « toute la lumière ».
Au bout de l’exercice, des coupables seront sans doute identifiés, on nettoiera probablement nos casinos et on y installera des mécanismes (toujours imparfaits, certes) afin de « limiter certaines formes de criminalité au minimum », comme disait Parizeau.
TOUS LES CASINOS
Et l’autre hypocrisie ? Elle est ici : enquêter sur les autres casinos, privés, parfois illégaux, notamment en territoire Mohawk, est une entreprise bien plus « complexe » encore que de percer l’opaque Loto-Québec.
Par conséquent, si une commission d’enquête devait être créée sur le blanchiment d’argent dans les casinos et/ou leurs relations troubles avec le crime organisé, il faudrait logiquement inclure tous les casinos qui se font concurrence sur le territoire ; et pourquoi pas aussi sur le web ?
Le blanchiment d’argent, ça ne passe pas uniquement par des « cartes bijoux ».