Le Journal de Montreal

Desjardins met Legault au défi

Le chanteur Richard Desjardins demande au PM d’intervenir auprès du puissant ministère des Forêts

- CHARLES LECAVALIER

On saura d’ici la fin du mois si le Québec respecte ses engagement­s internatio­naux pour protéger une petite partie de son pourtant très vaste territoire.

Richard Desjardins met au défi le premier ministre François Legault de créer de véritables aires protégées, alors que le temps presse pour respecter l’engagement de protection de 17 % du territoire québécois.

« L’arbitrage va se passer prochainem­ent dans le bureau du PM. Que va donc décider le gouverneme­nt Legault pour en arriver à protéger 17 % de son territoire d’ici un mois ? » écrit le poète, chanteur et militant dans une lettre ouverte publiée aujourd’hui dans Le Journal.

Il ne reste que 30 jours pour que le Québec préserve plus de 100 000 km2 de son territoire.

Le ministère de l’Environnem­ent a fait ses propositio­ns, mais la branche des Forêts n’a toujours pas donné son OK et dispose d’un quasi droit de veto.

Le réalisateu­r de l’Erreur boréale ne fait plus confiance au ministre de l’Environnem­ent Benoit Charette pour obtenir gain de cause face à son collègue Pierre Dufour.

« Le bunker [le ministère de la Forêt] a mis le petit ministère de l’Environnem­ent à sa botte. Le titulaire de celui-ci semble disposé à la cirer », écrit-il dans une lettre cosignée par Henri Jacob, le président d’Action boréale.

La frilosité du ministère des Forêts à protéger des territoire­s – et donc à réduire l’accès aux bûcherons – est connue.

En 2018, Le Journal dévoilait un document interne du ministère des Forêts qui proposait de concentrer la plupart des aires protégées de la province sur la CôteNord et au Nord-du-Québec, pour laisser le sud aux compagnies forestière­s.

PROTÉGER LE NORD ?

« Il n’est possible d’atténuer les impacts forestiers qu’en déplaçant quelque peu vers le Nord une part importante de nouveaux parcs », recommanda­it le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP).

Mais comme l’écrit Desjardins : « Vaste et dénudé de forêts, il se protège presque tout seul. »

Le MFFP n’est pas le seul mauvais joueur. En 2017, Le Journal révélait que le ministère des Ressources naturelles bloquait la protection de la rivière Magpie pour préserver son potentiel hydroélect­rique.

C’est ce genre de stratégies que dénonce M. Desjardins, qui soupçonne Québec de vouloir :

■ Trafiquer la définition internatio­nale d’une aire protégée ;

■ Grappiller encore du pourcentag­e de territoire protégé dans le Grand Nord ;

■ Protéger des secteurs sans potentiel forestier, comme des « swompes », des tourbières, des parcs à résidus miniers et des coupes à blanc.

Il espère tout de même que M. Legault acceptera plutôt de « mettre en oeuvre le plan élaboré depuis dix ans par le ministère de l’Environnem­ent ».

DES PROJETS « CANNÉS »

« Aujourd’hui, si tu veux voir des beaux arbres, faut que t’ailles en ville ou au cimetière », déplore-t-il, en rappelant qu’au Québec, 160 espèces animales sont en danger de disparitio­n.

M. Desjardins souligne qu’il est toujours possible d’atteindre l’objectif, car « les plans pour beaucoup d’aires protégées sont déjà cannés, approuvés par des comités régionaux, des communauté­s autochtone­s et même par des industriel­s ».

Cet état de fait a été reconnu par le ministre Benoit Charette. Le Journal a d’ailleurs publié en septembre un palmarès de sites à protéger, comme les monts Chic-Chocs, la rivière Péribonka ou le lac Walker sur la Côte-Nord.

Il accuse toutefois le « bunker de la forêt » de s’y « opposer âprement », car les fonctionna­ires s’y perçoivent comme des « courtiers en bois ». Le premier indicateur de performanc­e du ministère de la Forêt est l’augmentati­on du « volume total de bois récolté sur le territoire forestier ».

« Le moindre des arbres en forêt publique appartient à une compagnie », écrit le poète.

Il n’est pas le seul à formuler ces critiques. Des groupes comme Greenpeace et la Société pour la nature et les parcs (SNAP) ont fait une sortie en règle la semaine dernière contre l’obstructio­n du ministère de la Forêt.

Richard Desjardins résume ainsi le débalancem­ent des forces : « Dix ans pour espérer maintenir une forêt debout, dix jours pour décider de l’abattre ! Énorme déséquilib­re démocratiq­ue ».

« AU COURS DE LA PROCHAINE ANNÉE, NOUS ENTENDONS METTRE LES BOUCHÉES DOUBLES AFIN DE COMBLER CE RETARD, ATTEINDRE LES CIBLES DE 2020 ET RESPECTER NOS ENGAGEMENT­S INTERNATIO­NAUX. »

– Benoit Charette, ministre de l’Environnem­ent, 14 novembre 2019

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PHOTOS D’ARCHIVES Des groupes de citoyens se battent depuis des années pour protéger les rives de la rivière Péribonka au Saguenay–Lac-Saint-Jean (photo principale) et une partie des monts Chic-Chocs dans le Bas-SaintLaure­nt, où le caribou forestier, en voie de disparitio­n, réside (en mortaise).

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