Le couvre-feu est bien différent de la détention
Le couvre-feu imposé pour freiner la propagation de la COVID-19 n’est pas comparable à de la détention à domicile, a dû rappeler une juge en déboutant deux personnes qui se plaignaient d’être privées de leur liberté.
« Il s’avère de toute évidence une contrainte importante et exceptionnelle. L’on ne peut toutefois pas parler de séquestration sans droit, d’isolement forcé, d’une assignation ferme à résidence, d’une mise sous garde contre son gré [...] », a commenté la juge Sophie Picard, la semaine dernière au palais de justice de Montréal.
La juge tranchait ainsi contre deux Québécois qui demandaient la fin du couvre-feu, sous prétexte qu’il s’agissait d’une détention illégale. Julie Lévesque et Jean-Pierre Matte étaient appuyés par la Fondation pour la défense des droits et libertés du peuple (FDDLP), qui s’oppose aux mesures sanitaires.
URGENCE
Mme Lévesque avait écopé d’une amende lors d’une manifestation contre le couvre-feu, après 20 h, en janvier dernier, tandis que M. Matte avait lui aussi eu une contravention pour être sorti en dehors des heures permises pour « aider une amie dont la voiture nécessitait des réparations ».
Pour contester le couvre-feu, les deux personnes avaient déposé une requête de type habeas corpus. La particularité de ce genre de demande est qu’elle est entendue en priorité par les tribunaux, étant donné qu’elle est réservée aux gens qui sont illégalement détenus.
Or, comme il s’agit d’une demande prioritaire, les tribunaux font très attention pour s’assurer que des gens n’utilisent pas cette façon de faire uniquement dans le but d’avoir une audience plus rapidement.
MAUVAIS CHEMIN
Et dans cette affaire-ci, la juge a estimé que c’était le cas. « La situation des demandeurs n’a aucune commune mesure [avec celles qui justifient ce type de demande], a dit la magistrate. Elle découle plutôt de restrictions générales de santé publique s’appliquant à tous. »
Ainsi, la requête a été rejetée, sans même être entendue sur le fond. Mais s’ils décident de continuer leur combat, Mme Lévesque et M. Matte devront emprunter une autre voie, plus longue. Mais leurs chances de succès sont minces, les tribunaux ayant déjà rejeté des demandes similaires au profit de la santé collective des Québécois.
« Il est indéniable que la pandémie et ses effets sont exceptionnels par l’ampleur et la gravité de la situation : le nombre de décès, la pression exercée sur les hôpitaux, le délestage [...], et maintenant un risque de variants qui s’ajoute à l’incertitude et aux inquiétudes », a toutefois concédé la juge.