Le Journal de Montreal

Le couvre-feu est bien différent de la détention

- MICHAËL NGUYEN

Le couvre-feu imposé pour freiner la propagatio­n de la COVID-19 n’est pas comparable à de la détention à domicile, a dû rappeler une juge en déboutant deux personnes qui se plaignaien­t d’être privées de leur liberté.

« Il s’avère de toute évidence une contrainte importante et exceptionn­elle. L’on ne peut toutefois pas parler de séquestrat­ion sans droit, d’isolement forcé, d’une assignatio­n ferme à résidence, d’une mise sous garde contre son gré [...] », a commenté la juge Sophie Picard, la semaine dernière au palais de justice de Montréal.

La juge tranchait ainsi contre deux Québécois qui demandaien­t la fin du couvre-feu, sous prétexte qu’il s’agissait d’une détention illégale. Julie Lévesque et Jean-Pierre Matte étaient appuyés par la Fondation pour la défense des droits et libertés du peuple (FDDLP), qui s’oppose aux mesures sanitaires.

URGENCE

Mme Lévesque avait écopé d’une amende lors d’une manifestat­ion contre le couvre-feu, après 20 h, en janvier dernier, tandis que M. Matte avait lui aussi eu une contravent­ion pour être sorti en dehors des heures permises pour « aider une amie dont la voiture nécessitai­t des réparation­s ».

Pour contester le couvre-feu, les deux personnes avaient déposé une requête de type habeas corpus. La particular­ité de ce genre de demande est qu’elle est entendue en priorité par les tribunaux, étant donné qu’elle est réservée aux gens qui sont illégaleme­nt détenus.

Or, comme il s’agit d’une demande prioritair­e, les tribunaux font très attention pour s’assurer que des gens n’utilisent pas cette façon de faire uniquement dans le but d’avoir une audience plus rapidement.

MAUVAIS CHEMIN

Et dans cette affaire-ci, la juge a estimé que c’était le cas. « La situation des demandeurs n’a aucune commune mesure [avec celles qui justifient ce type de demande], a dit la magistrate. Elle découle plutôt de restrictio­ns générales de santé publique s’appliquant à tous. »

Ainsi, la requête a été rejetée, sans même être entendue sur le fond. Mais s’ils décident de continuer leur combat, Mme Lévesque et M. Matte devront emprunter une autre voie, plus longue. Mais leurs chances de succès sont minces, les tribunaux ayant déjà rejeté des demandes similaires au profit de la santé collective des Québécois.

« Il est indéniable que la pandémie et ses effets sont exceptionn­els par l’ampleur et la gravité de la situation : le nombre de décès, la pression exercée sur les hôpitaux, le délestage [...], et maintenant un risque de variants qui s’ajoute à l’incertitud­e et aux inquiétude­s », a toutefois concédé la juge.

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