Le tabou dumoten«s»
François Legault a choisi son ministre responsable de la Lutte contre le racisme. Une première au Québec. Benoit Charette, ministre de l’Environnement, hérite ainsi d’un mandat des plus délicats.
La nomination d’un homme « blanc » étonne en effet. Il plaide cependant son intérêt de longue date pour les relations interculturelles. Sa conjointe est aussi d’origine haïtienne. Ce qui, dit-il, lui a donné l’occasion de voir sa propre famille victime de racisme.
Pour tout ministre, la chance va bien entendu au coureur. Le premier ministre, refusant de reconnaître l’existence d’un racisme « systémique », lui demande néanmoins de poser des « gestes concrets » pour « faire reculer le racisme au Québec ».
ENDÉMIQUE
La qualité de la performance de Benoit Charette s’y mesurera sans nul doute. Entre autres dossiers chauds, agira-t-il clairement contre le profilage racial au sein des forces policières – une pratique endémique et hyper documentée ?
Travaillera-t-il aussi en tandem avec Ian Lafrenière, le très efficace ministre responsable des Affaires autochtones ? Tant en ce qui concerne la mort atroce de Joyce Echaquan sous des insultes racistes que sur moult épisodes choquants de profilage racial, les deux ministres auraient beaucoup à faire pour redresser ce qui, de part et d’autre, a des airs patents de racisme systémique.
LEMOTEN«A»
Pour ne pas hérisser son électorat, le premier ministre réduit le mot en « s » à une question de débat « sémantique ». Le Québec, répète-t-il, étant une société particulièrement accueillante. Ce qui est très vrai.
Il n’en reste pas moins que le Québec n’est pas une île. Pour de nombreux Québécois, de toutes origines, l’existence d’une discrimination de nature plus systémique, ici comme ailleurs en Occident, est bien réelle. Certains la vivent, d’autres en sont témoins.
Attendre que M. Legault se résigne à accepter le mot en « s » est toutefois bien inutile. De toute évidence, cela ne se produira pas. Mieux vaudra alors le prendre au mot en « a » – actions –, celles qu’il promet de livrer. Là-dessus, il n’y aura rien de sémantique.