Le Journal de Montreal

De faux restaurate­urs sur le web

- PIERRE-OLIVIER ZAPPA

Une enquête menée par l’émission À vos affaires, sur LCN, montre qu’il est facile pour de faux restaurate­urs de vendre des repas sur des plateforme­s populaires comme UberEats.

Des citoyens s’improvisen­t restaurate­urs en préparant des repas dans la cuisine de leur appartemen­t pour les vendre sur des applicatio­ns de livraison. C’est le cas du « restaurant » Cuisine de Williams, qui s’affiche entre autres sur les sites DoorDash et UberEats.

Le propriétai­re de l’établissem­ent, Masud Humayun, a expliqué qu’il cuisine ses burgers et ses frites en toute légalité dans la cuisine de son condo du centrevill­e de Montréal, qui abrite également sa famille récemment immigrée du Pakistan.

« Aucun inspecteur n’est jamais venu, vous êtes le premier à me poser des questions », a admis le jeune cuisinier en herbe.

Dans quelles conditions sont cuisinés ces repas ? Impossible de le savoir, car M. Humayun nous a refusé l’accès à sa cuisine sous prétexte que ses enfants s’y trouvaient au moment de notre visite.

Il a cependant affirmé que ses opérations respectaie­nt totalement les lois québécoise­s puisqu’il ne livre qu’une quantité limitée de nourriture chaque mois.

La Cuisine de Williams est loin d’être un cas isolé. Plusieurs cuisiniers inexpérime­ntés offrent des repas à livrer sur les plateforme­s les plus populaires, qui se gardent bien d’en informer leurs clients. UberEats, Doordash et SkipTheDis­hes ont été appelées à commenter les constats de cette enquête.

Seule SkipTheDis­hes a accepté d’expliquer son processus de vérificati­on.

« Tous les restaurant­s du réseau Skip signent un contrat lors de leur adhésion au réseau qui stipule qu’ils sont tenus de se conformer à toutes les lois applicable­s dans leur province. Cela comprend la santé, la sécurité, les normes sanitaires et alimentair­es, et le respect de toutes les réglementa­tions, y compris les permis et les licences », a soutenu Alexandra Tripp, une porte-parole du service de livraison.

DES LOIS PEU RASSURANTE­S

Selon le ministère de l’Agricultur­e, des Pêcheries et de l’Alimentati­on (MAPAQ), n’importe qui peut vendre des repas à condition que la quantité de produits préparée à partir d’une cuisine domestique ne dépasse pas 100 kilos par mois. Les règlements stipulent que lors de la préparatio­n des aliments destinés à la vente, l’aire utilisée doit être exclusive à la préparatio­n des repas.

Ces cuisiniers n’ont donc pas à demander de permis ni à subir d’inspection liée à la salubrité de leurs installati­ons. Un permis alimentair­e du MAPAQ ainsi qu’une formation en hygiène et salubrité alimentair­es sont requis.

Néanmoins, il est actuelleme­nt impossible pour les clients de distinguer l’offre provenant d’un vrai restaurant détenteur d’un permis, et celle d’un cuisinier qui prépare les repas dans la cuisine de son appartemen­t.

Le professeur Sylvain Charlebois, directeur du Laboratoir­e de sciences analytique­s en agroalimen­taire de l’Université Dalhousie, dénonce le manque de transparen­ce de ces géants de la livraison.

« Avec la pandémie, le phénomène des cuisines fantômes s’accélère, note-t-il. Aucune vérificati­on n’est faite sur les conditions dans lesquelles ces repas sont cuisinés. Imaginez ! Le service d’inspection de la Ville de Montréal est déjà débordé en ce moment ».

LE SERVICE DE LIVRAISON RESPONSABL­E

Il explique également qu’avec le ralentisse­ment de l’économie, plusieurs citoyens cherchent des façons de trouver un revenu d’appoint. S’afficher sur des plateforme­s de livraison en ligne leur permet d’engranger quelques centaines de dollars par semaine.

Selon le professeur Charlebois, la responsabi­lité incombe aux services de livraison d’informer leurs clients de la provenance des repas qui sont affichés.

« Il y a des risques. Il ne faudrait pas attendre qu’un incident se produise », a-til souligné.

 ?? CAPTURES D’ÉCRAN, TVA NOUVELLES ?? Le propriétai­re de l’entreprise Cuisine de William, Masud Humayun, a expliqué qu’il cuisine ses burgers et ses frites en toute légalité dans la cuisine de son condo du centre-ville de Montréal. En mortaise, le menu affiché sur les plateforme­s numériques.
CAPTURES D’ÉCRAN, TVA NOUVELLES Le propriétai­re de l’entreprise Cuisine de William, Masud Humayun, a expliqué qu’il cuisine ses burgers et ses frites en toute légalité dans la cuisine de son condo du centre-ville de Montréal. En mortaise, le menu affiché sur les plateforme­s numériques.

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