Les milliards pleuvent à Ottawa
La dette se creuse encore avec ces nouvelles dépenses et des déficits sont prévus au moins jusqu’en 2026
Les milliards vont continuer à pleuvoir sur les Canadiens avec le nouveau budget du gouvernement Trudeau, déposé hier, en éloignant de plus en plus un retour à l’équilibre dans les finances fédérales.
Aide aux travailleurs et aux entreprises touchés par la COVID-19, programme national de garderies comme celui du Québec, relance verte, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, semble n’avoir fait preuve d’aucune retenue pour distribuer l’argent fédéral, dans un contexte où la possibilité d’élections fédérales pointe de plus en plus à l’horizon.
Personne n’a été oublié : des producteurs de vin jusqu’aux personnes âgées de 75 ans et plus, en passant par les travailleurs au salaire minimum fédéral, tous auront droit à des mesures en leur faveur.
Le gouvernement libéral injectera donc 101 milliards (G) $ au cours des trois prochaines années pour alimenter ces mesures.
PAS LE CHOIX
Selon la ministre Freeland, Ottawa n’avait apparemment pas d’autre choix que de faire autant de dépenses.
« Dans le contexte actuel où les taux d’intérêt sont faibles, non seulement nous pouvons nous permettre ces investissements dans l’avenir du pays, mais il serait peu judicieux de notre part de ne pas faire ces investissements », dit-elle dans les documents budgétaires.
« Notre décision l’an dernier d’aider les Canadiens – à coût élevé, bien sûr – est déjà fructueuse. Les mesures décisives du gouvernement ont permis d’éviter les cicatrices économiques », poursuit-elle.
Au rythme où vont les choses, on s’attend à ce que la dette fédérale ait doublé d’ici cinq ans par rapport au niveau qu’elle avait avant la pandémie, pour atteindre 1411 G$.
Cette année, le déficit s’établira à 154,7 G$ et la dette à 1233 G$. Le retour à l’équilibre budgétaire n’est pas pour demain, puisque des déficits sont prévus au moins jusqu’en 2026.
BUDGET POLITIQUE
Selon Helaina Gaspard, de l’Institut des finances publiques et de la démocratie à l’Université d’Ottawa, le budget d’hier est un exercice hautement politique.
« C’est très clairement un budget pour une année électorale. Il y a des promesses pour à peu près tout le monde », souligne-t-elle.
Mme Gaspard constate en outre que plusieurs des dépenses sont « récurrentes », c’est-à-dire qu’elles seront là pour de bon, comme le programme des garderies.
Afin de les financer à l’avenir, Ottawa devra, dit-elle, trouver de nouvelles sources de revenus ou réduire ses dépenses. Mais le budget est muet en ce sens, souligne l’experte.
Une des parties les plus attendues était celle sur la création d’un réseau national de garderies. Ottawa va de l’avant et souhaite mettre en place des garderies à 10 $ par jour, comme le système québécois, au coût prévu de 30 G$ sur cinq ans.
EXEMPLE DU QUÉBEC
« Le temps est venu pour le reste du Canada de s’inspirer de l’exemple du Québec », souligne d’ailleurs la ministre Freeland.
Mais si le fédéral est généreux avec les services de garde, il en va autrement pour la hausse de sa contribution aux soins de santé assurés par les provinces, actuellement sous forte pression avec la COVID-19. Malgré les demandes pressantes du Québec et des autres provinces, pas un sou de plus n’a été débloqué à cet égard.
Le budget contient quand même quelques mesures pour aller chercher de nouveaux revenus, mais elles sont timides, puisqu’elles atteignent 3,3 G$ sur trois ans.
Parmi elles, on compte la fameuse taxe tant attendue sur les services numériques comme Netflix et une nouvelle « taxe de luxe » qui s’appliquera à l’achat de biens de grande valeur, comme des avions privés, des bateaux et des voitures haut de gamme.
« NOTRE DÉCISION L’AN DERNIER D’AIDER LES CANADIENS – À COÛT ÉLEVÉ, BIEN SÛR – EST DÉJÀ FRUCTUEUSE. LES MESURES DÉCISIVES DU GOUVERNEMENT ONT PERMIS D’ÉVITER LES CICATRICES ÉCONOMIQUES. »
–Chrystia Freeland, ministre des Finances