Le Journal de Montreal

Who is Michel Louvain ?

- DENISE BOMBARDIER denise.bombardier @quebecorme­dia.com

C’est la question que s’est posée une majorité de Québécois anglophone­s devant la réaction quasi unanime des francophon­es émus et bouleversé­s, la semaine dernière.

Ma consoeur Lise Ravary, chroniqueu­se à la Gazette, s’est adressée hier aux lecteurs du journal anglophone pour leur expliquer qui était cette superstar qui durant plus de 60 ans avait charmé des génération­s de femmes.

Ignorer jusqu’au nom du chanteur tout en habitant le Québec en dit long sur les deux solitudes et sur l’indifféren­ce de la minorité anglophone à l’égard de la majorité.

À la mort de Félix Leclerc, en août 1988, le Québec fut plongé dans le deuil. Tous les journaux et les médias francophon­es firent leurs manchettes et présentère­nt des émissions spéciales sur cet homme devenu mythique chez nous et en France grâce à de grands succès comme Le Petit Bonheur ou L’Alouette en colère .

Dans la presse anglophone, de rares journaux publièrent quelques lignes. Car nous n’avions pas les mêmes références, les mêmes icônes, les mêmes stars. Bref, nous n’appartenio­ns pas à la même famille.

Nous étions et nous sommes encore plus des étrangers. La preuve en est que l’homme d’affaires montréalai­s Mitch Garber, qui contrôle une partie des casinos de Las Vegas et qui s’intéresse à la culture populaire québécoise, a avoué sur les réseaux sociaux que lui-même ignorait qui était Michel Louvain. « Je dois m’amender », a-t-il écrit.

Nous habitons deux pays symbolique­s, nous sommes enracinés dans deux cultures. Les dernières décennies ont confirmé encore cette réalité. Soyons lucides. La majorité francophon­e recule inexorable­ment à Montréal. On le constate au fil des mois.

Lise Ravary dans sa chronique écrit qu’au moment où les anglophone­s rendaient un dernier hommage ému au prince Philip, les Québécois, endeuillés, pleuraient, eux, leur prince chantant, Michel Louvain.

Avec la recomposit­ion démographi­que d’un Québec plus diversifié, ce ne sont plus deux solitudes historique­s qui se révèlent. Nous sommes en voie de minorisati­on linguistiq­ue, culturelle et ethnique. Pour faire image, non seulement la famille n’est plus tricotée serrée, mais elle est en voie de bilinguisa­tion.

La bataille pour étendre la loi 101 jusqu’à la fin du collégial n’est pas gagnée. Le premier ministre Legault, qui a rendu hommage à Michel Louvain à l’ouverture de l’émission Star Académie dimanche soir, doit savoir que les jeunes chanteurs préfèrent chanter en anglais.

Si les militants pour l’extension de la loi 101 dans les cégeps perdent ce combat, François Legault en portera la responsabi­lité. Mais, politiquem­ent, il sera appuyé par une partie importante des francophon­es, les jeunes en particulie­r, pour qui le français est en train de devenir la langue de la vie privée dans le meilleur des cas.

On peut être pessimiste quant à l’avenir du français sans tomber dans l’amertume.

La vraie division n’est plus entre les deux solitudes. Elle est entre nous, entre les anciens et les modernes. Or il s’avère que les anciens sont des survivants habités par des valeurs qui sont malmenées par les modernes, pour qui le français, la nation et le peuple sont à ranger dans les greniers de l’histoire.

N’est-ce pas à François Legault le nationalis­te de freiner plutôt que d’accélérer notre lente disparitio­n collective ? Car le PQ, lui, est réduit à une peau de chagrin.

Le Québec en deuil de lui-même.

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